“Mon nom est Benoît, je suis directeur de funérailles. Je comprends très bien ce genre de situation et je vais m’occuper de tous les arrangements, sauf une question.”. M. Benoît est canadien, un professionnel et fin psychologue à l’emploi d’une maison funéraire d’Ottawa et notre présence devant lui est due au fait que notre mère est décédée et, selon sa volonté, maintes fois exprimée, voulait être enterrée dans la terre de ses ancêtres, le Maroc.
“La question est que je vous demande de vous arranger avec le transporteur pour le rapatriement du corps, je suis sûr, qu’entre vous, vous saurez vous entendre.”. M. Benoît, en disant cela était tout-à-fait sérieux, avec un brin de désolation et on ne pouvait pas ne pas sentir un semblant d’exagération. Voyons donc, entre marocains dans une situation de deuil! M. Benoît prend sur lui toutes les démarches, l’obtention de tous les documents, la préparation du corps pour le transport et le transport jusqu’à Dorval. Ce qui nous laisse la démarche auprès du transporteur aérien, en l’occurrence la RAM (Royal Air Maroc).
Une fois ce partage de responsabilités effectué et le contrat signé, M. Benoît ouvre son bottin, décroche son téléphone et …bonjour :
- Hôpital régional, …merci, bonjour. Réglé!
- Ministère de la santé, … merci, bonjour. Réglé!
- Bureau du coroner, … merci, bonjour. Réglé!
- Grande mosquée d’Ottawa, … merci, bonjour.
“Voilà, tout est réglé!” dit M. Benoît en nous tendant le téléphone. Le temps d’obtenir le numéro (514 285-1619) et les péripéties s’enclenchent.
“Royal Air Maroc, bonjour!”
“C’est pour des informations, SVP.”
“Un instant!.” (transfert)
“Les réservations.”
“C’est pour des informations, SVP.”
“Ce n’est pas ici, ici c’est les réservations, je vous transfère.” (retour à la réception.)
“Royal Air Maroc, bonjour!”
“SVP., c’est pour des informations.”
“Quelles informations?.”
“Voilà, on voudrait rapatrier une dépouille mortelle et on ….”
“Ce n’est pas ici, appelez au 514- 631-0351.”
“Est-ce qu’on est au 631-.351?”
“Oui, Danny à l’appareil, que puis-je pour vous?”
“Voilà, on voudrait rapatrier une dépouille mortelle et on aimerait savoir comment ça se passe?”
“Vous m’amenez la boîte avant 2 pm (14 h.) et je l’expédie là où vous voulez. C’est tout!.”
M. Benoît, qui feuilletait un journal tout en suivant la conversation d’une oreille distraite, s’écria ” les normes, les normes?”
“M. Danny, c’est quoi les normes?”
“Ça dépend du pays!.”
“Pour le Maroc?”
“Appelez au 514 285-1435”
“Royal Air Maroc, bonjour,… les nomes de transport? Appelez chez Cargo Zone, au numéro 514 631-0351”.
Le numéro composé à la hâte, nous ramène chez Danny.
DIMA, DIMA NABKI ANA
ÂLA OULAD BLADI DIMA, DIMA
On se regarde, on dilue nos sentiments, on appréhende un commentaire de M. Benoît, mais rien ne vient. Tout à coup, l’un des bons amis qui nous tenaient compagnie dans les circonstances, dit simplement ” je connais quelqu’un!”
Je connais quelqu’un. Comment avons-nous pu oublier le leitmotiv administratif, bien connu. Connais-tu quelqu’un? Notre ami connaît quelqu’un. On avait tous oublié. Ça doit être le nombre d’années passées au Canada, ou bien notre naïveté de croire que les choses ont changé depuis, ou le fait de transiger avec un transporteur commercial. Quelque chose nous a fait oublier. Connaître quelqu’un!
On appelle donc notre Quelqu’un, on échange les Salam Alayk d’usage, on reçoit ses condoléances et on apprend (on fait pour plusieurs il s’agit d’une confirmation plutôt que d’une nouvelle), la RAM accordait désormais un rabais de 25% sur le rapatriement des corps. La bonne affaire! Mais il fallait rappeler à la RAM. Allons ça vaut bien 25%.
“Royal Air Maroc, bonjour, … je ne suis pas au courant! Voyez avec Cargo Zone (Notre Danny)”.
Non, Madame, merci nous avons maintenant notre Quelqu’un.
DIMA, DIMA NABKI ANA
ÂLA OULAD BLADI DIMA, DIMA
Rappel de notre Ami-Quelqu’un, malheureusement il ne connaissait pas la procédure pour bénéficier de ce rabais, mais nous aiguillonne sur la Fédération des marocains du Canada. À la bonne heure.
“Fédération …., bonjour!”
“Bonjour Madame, on nous a dit à propos d’un rabais sur le rapatriement des corps au Maroc…”.
“Oui, c’est dans l’entente!.”
“Et comment faire pour bénéficier de ce rabais?”
“Il faut appelez ici.”
“Que voulez-vous dire?”
“Appelez quand ils sont ici, aujourd’hui ils sont au “Carrefour au féminin”, vous savez le colloque à l’UQAM.”
DIMA, DIMA NABKI ANA
ÂLA OULAD BLADI DIMA, DIMA
On commente, on sacre, on se défoule, on se raisonne et on rappelle notre Ami-Quelqu’un, qui réalise l’ampleur du désarroi et décide de se joindre à nous. Ce faisant, nous attendions toujours les commentaires de M. Benoît et nous étions, je dirai prêts à en prendre un “ils ont tous le doigt dans le nez” ou “gang d’incompétents” ou “Que Dieu nous préserve de ces gens-là”. Enfin quelque chose pour nous soulager, quoi!. Mais rien ne vint. Trop poli ce monsieur Benoît. Notre Ami-Quelqu’un arrive, écoute les détails de notre histoire et plonge sur le téléphone. Il possédait un numéro sans frais (1-800-361-7508). Quelle organisation, quelle source d’information et quel entregent, notre ami. Bravo et merci mon ami !.
Notre ami est expéditif, appelle la RAM, passe d’un responsable à l’autre en les nommant par leur prénoms et fini par faire parvenir une télécopie de la RAM à Cargo Zone. Mission accomplie !. On poursuit, après le départ de notre ami avec M. Danny, qui aimablement nous réfère à une autre maison funéraire pour les normes, quant au coût du transport, il est de 9,21 $ le kilogramme, on y ajoutant la taxe cela monte à 9,36 $/kg.
Voyons, M. Danny n’a pas bien saisi qu’il s’agit d’une dépouille mortelle… humaine à laquelle sont rattachés des souvenirs, de l’affection et beaucoup de respect et d’amour, une dépouille qui a tant donné à la vie et qui laisse tant de vivants éplorés !.. Voilà que les vivants la traite au poids. En fait M. Danny a bien compris et ne fait que ce qu’on lui demandé de faire, et c’est au poids !.
Une dernière tentative auprès de la RAM pour vérifier cette information concernant cette histoire de poids, sans suc
cès. Le responsable est en voyage et “personne ne peut discuter de ces prérogatives en sans absence”. La compagnie est bâtie sur des individus et non sur des équipes de travail. Le responsable n’est pas là la vie s’arrête ! Ainsi va la vie !
La morale de cette histoire est que si vous voulez mourir au Canada et être rapatrié par l’entremise de la RAM, prenez donc soin de réserver avant de passer l’arme à gauche, suivez un régime amaigrissant et surtout cultivez des relations ayant le bras long.