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Première visite de Bouteflika au Canada

Effectuant une visite officielle au Canada du 14 au 18 mai dernier, unepremière pour un président algérien, le président Bouteflika, a étéreçu par les plus hautes instances canadiennes. Attendu dès sa descented’avion par Adrienne Clarkson gouverneure générale du Canada, il s’estentretenu avec Jean Chrétien premier ministre du Canada, avec lequel ila animé un point de presse le lundi 15 mai, au Parlement à Ottawa.C’est d’ailleurs, à cette occasion que le président Bouteflika dira “je pourrais parler du meilleur pays du monde, (…) c’est un paysabsolument fascinant par la composition de sa population, sa tolérance,son passé intact et sa vision extrêmement saine du devenir du monde etdes relations entre les peuples et les continents”.

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Renouant avec l’hospitalité légendaire des peuples du Maghreb, leprésident saisit l’opportunité pour lancer une invitation officielle àJean Chrétien pour se rendre en Algérie. Aussi, il rencontrera GildasMolgat président du Sénat et Gilbert Parent, président de la Chambredes Communes, puis sera l’hôte d’une rencontre organisé par Pierre DeBané, sénateur et président du groupe parlementaire d’AmitiéCanada-Algérie qui a réuni des membres du parlement, du sénat avec ladélégation algérienne. Au-delà des salamalecs protocolaires et desfanfares diplomatiques, la visite du président Bouteflika est chargéede contenu.

Quelle portée revêt cette traversée de l’atlantique? D’abord sur leplan politique, cette visite vise à renforcer les liens entre les deuxpays en sortant l’Algérie de son isolement politique imposé depuis unedizaine d’années, déjà. Pourquoi précisément le Canada ? Pour émergerdu carcan européen et plus particulièrement français dans lequel s’estretrouvé l’Algérie, dès son indépendances et cela pour des raisonshistoriques.

Seulement depuis 1991, un vent glacial a soufflé sur les relationsalgéro-françaises, contrairement à un vent chaud qui a encouragé lesinitiatives canadiennes et américaines à l’égard de l’Algérie,bousculant ainsi la vision traditionnelle de géopolitique qui voulaitque l’Algérie soit d’abord et avant tout la chasse gardée deseuropéens. Alors, quoi de plus normal que de souder les alliances avecle Canada pour poser les bases d’un partenariat encore plus intense ?D’autant plus qu’à l’ère de la mondialisation, les initiatives sont demise!

Sortir de l’isolement en faisant entendre la voix de l’Algérieofficielle, telle est la volonté première du président. Pour cetteraison, il multipliera ses rencontres avec les médias canadiens. Invitéde trois émissions de télévision le président justifiera sesorienterions politiques : notamment la concorde civile. Un exercicequ’il répétera devant les journalistes au National Press Club à Ottawaet à la Conférence de Montréal. Quant à savoir si le président aconvaincu ou pas ces différents interlocuteurs, la réponse est àchercher dans les commentaires qu’on trouve ça et là.

Que titre La Presse (un journal francophone), le mardi 16 Mai? ” Quandl’espoir se heurte au quotidien “. Sous la plume de Gilles Paquin,journaliste qui a séjourné en Algérie en septembre dernier, le tonn’est pas au prosélytisme mais plutôt au réalisme. Ce dernier ne selaisse pas amadouer par les discours du président. Il s’attache à laréalité. La réalité? ” Est cette crise sociale et politique qui affligele pays ” dit-il, et encore ” le GIA défie encore l’armée et sème laterreur jusqu’aux portes d’Alger”, en reprenant quelques articlesd’El-Watan. Il se dégage de la concorde civile un sentiment “d’impunité “. Ce terme, le président Bouteflika l’a entendu d’abord dela bouche de Michaelle Jean, à l’émission ” RDI à l’écoute “, ensuiteCéline Galipeau le lui a rappelé dans l’émission ” Le point deRadio-Canada “, puis Denise Bombardier l’a encore interrogée à ce sujetdans son émission ” TV5 Questions “. Qu’a-t-il répondu? Il n’y a rien àpardonner, a-t-il laissé entendre. ” Il y a des bonnes raisons pourêtre hors la loi, des raisons politiques, idéologiques, sociales,(…). Ils n’ont pas pris les armes pour rien. Si j’avais 20 ans,j’aurais pu faire comme eux”. Eux, ce ne sont ” ni des islamistes nides politiques “, ce sont des ” voleurs, des égorgeurs, des délinquants” a-t-il fait remarquer. A en juger les quelques statistiques avancéespar les trois journalistes, la paix n’est pas vraiment rétablie.Lorsque Michaelle Jean avance le chiffre de 900 morts, le président luidit : “Vos chiffres m’effrayent ! vos statistiques sont fausses “. Bonan mal an, le terrorisme est ” réglé à 90% “, affirme le président !

Le président Bouteflika qui a eu à se prononcer sur autant de sujetstels que : la dette, la situation en Afrique, les rapports avec leMaroc et Israël, la francophonie, la mondialisation, s’est montréquelque peu irrité lorsqu’on l’interroge au sujet de l’affaire Ben Brik” il est indésirable dans mon pays et il n’est pas le bien venu chez lepeuple algérien. On insulte pas les symboles nationaux de l’Algérie.l’Algérie n’est pas un dépotoir. ” a t-il fait savoir. L’affaire BenBrik a fait tache d’huile et le président Bouteflika n’a pas recueillides éloges. Gilles Toupin signe un article intitulé ” un journalisteindésirable “, ” le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a faitune violente sortie hier contre le journaliste tunisien Taoufik BenBric ” pouvait-on lire dans l’édition de La Presse du 17 Mai.

Aussi, lorsqu’est soulevé le statut des femmes en Algérie, le présidentBouteflika ne semble pas vraiment apprécier. Réfutant l’idée que lesfemmes algériennes ne sont pas citoyennes à part entière dans leurpropre pays, le président Bouteflika s’empresse d’étaler le contenu dela constitution qui octroie aux hommes et aux femmes les mêmes droitset devoirs, en prenant bien soin d’occulter le code de la famille quiinstitutionnalise la discrimination à l’égard des femmes. Ce choix quin’est pas fortuit est révélateur des affinités politiques du présidentavec le courant islamo-conservateur qui ne voit pas d’un bon œill’abrogation du code la famille. En prétextant un retard dans lesmentalités, le président Bouteflika met un frein aux aspirations pourl’égalité qui engage le devenir de toute la société algérienne. Devenul’un des enjeux majeurs des luttes démocratiques en Algérie,l’abrogation du code de la famille n’est pas un caprice, il est unindicateur de la volonté du pouvoir algérien à assumer une réelletransition vers la modernité. D’ailleurs cette hostilité affichée àl’égard de Ben Brik, de la presse indépendante, de l’abrogation du codede la famille, du
statut de la langue tamazight relève d’une mêmelogique politique : le compromis avec les islamo-conservateurs.

Le deuxième volet important de cette visite est indiscutablement lechapitre économique. D’ailleurs, le président Bouteflika se rendra àToronto le 18 Mai pour s’entretenir avec des hommes d’affairesanglophones. Censé faire du charme aux investisseurs, le présidentmettra les bouchées doubles pour convaincre les Canadiens d’être plusattentifs au marché algérien et surtout d’innover dans la coopérationen investissant des secteurs tels que : le foncier, les mines,l’hydraulique, les transports, les télécommunications, les secteurs desnouvelles technologies de l’information et de la communication. “J’ouvre l’Algérie et je suis près à négocier une coopération nonrestrictive à l’égard du Canada. Dans le domaine politique et dans ledomaine économique, tous secteur confondu jusqu’au domaine militaire etsécuritaire” a t-il fait entendre. C’est dire le malaisesocio-économique que vit l’Algérie. Affaiblie par une guerre qui lui acoûté trop d’argent et de pertes humaines, victime de son systèmeéconomique qui a montré depuis longtemps ses limites, l’Algérie est enmal d’investisseurs. Forcé de constater que les invitations duprésident qui ont drainé une foule d’investisseurs ne se sont pastraduites par des gestes concrets, dans la mesure où très peu decontrats significatifs ont été signés. Face à cette situation, leprésident se montra-t-il plus créatif ? Les contrats signés lesprochains mois nous le diront.

Toujours est-il que les affaires entre les deux pays se portent bien.Pour l’année 1999, les flux commerciaux entre le Canada et l’Algérie sesont élevés à près de 1.1 milliard $, c’est à dire 4 fois plus qu’avecle Maroc et 13 fois plus qu’avec la Tunisie. Les exportationscanadiennes vers l’Algérie -hors services- se sont élevées à 544millions $. Elles sont constituées à 85% de produits agro-alimentaires.En fait, l’Algérie qui acheté pour près de 460 millions $ de blé, estl’un des plus important clients de la Commission Canadienne du Blé. Lesimportations canadiennes provenant de l’Algérie représentent 552millions $ et concernent essentiellement le secteur pétrolier qui areprésenté jusqu’à 99.8% du volume total des importations en 1998. Mêmesi l’Algérie reste le premier partenaire économique du Canada enAfrique et au Moyen-Orient, il n’en demeure pas moins que l’apport duCanada pourrait s’élargir d’avantage. Alors à quand les nouveauxcontrat ?

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