Une position sans surprise mais très loin des engagements d’Emmanuel Macron en 2017. La France s’est abstenue ce jeudi sur le vote autour de l’autorisation de commercialisation du glyphosate, un herbicide très controversé au sein de l’Union européenne. Une posture lourde de symboles au sein de l’UE alors que la France en est la première puissance agricole.
“La position française est claire: la France n’est pas contre le principe du renouvellement de la molécule, mais veut réduire rapidement son usage et en encadrer l’utilisation”, a assumé Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, dans un communiqué de presse.
Le glyphosate en baisse de 30% en France
Faute d’accord, c’est donc la Commission européenne qui a repris la main et autorisé pour les dix prochaines années l’usage de ce produit. Le 13 octobre, lors d’un précédent vote, Paris s’était déjà abstenu.”Nous sommes le seul pays du monde à avoir baissé de 30% les usages” du glyphosate, avait alors expliqué Marc Fesneau sur France info avant d’ajouter “qu’aucun pays européen ne se passe du glyphosate”, faute d’alternatives.
En 2020, l’agence sanitaire française Anses avait annoncé des restrictions progressives pour son usage dans l’agriculture. Son utilisation pour les particuliers est déjà prohibée depuis 2019.
Ce proche de François Bayrou a cependant précisé après le vote ce jeudi “vouloir réduire rapidement son usage et encadrer l’utilisation de la molécule, pour en limiter les impacts”.
Une substance classée comme “cancérogène probable”
Le gouvernement veille manifestement à afficher un certain équilibre sur la question du glyphosate. Et pour cause: le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait classé le glyphosate comme “cancérogène probable” en 2015.
Cet substance active présente dans plusieurs produits herbicides, dont le Roundup de Monsanto, est utilisée à travers le monde pour le traitement des mauvaises herbes, notamment en arboriculture, viticulture, mais aussi dans l’entretien des espaces verts et industriels.
La voix de Paris et son abstention comptent d’autant plus fortement que pour les délibérations au niveau européen, la démographie a une forte influence. Pour valider ou rejeter une proposition de la Commission, la majorité requise est qualifiée. Il faut les votes d’au moins 15 États membres représentant 65% de la population de l’UE, soit 447 millions d’habitants.
Encadrer “plus strictement les usages” du glyphosate
Autant dire que l’abstention de la France avec ses 68 millions d’habitants dans la balance, tout comme celle de l’Allemagne, sur la même ligne, qui représentent à elles seules 20% de la population européenne, avaient toutes les chances de bloquer un vote éventuel.
D’autres pays se sont abstenus à l’instar de l’Italie. 17 ont voté pour, dont tous les pays d’Europe de l’Est et trois s’y sont opposés, dont le Luxembourg. Le gouvernement français a cependant fait savoir qu’il avait demandé à la Commission européenne d’encadrer “plus strictement les usages” de cet herbicide.
Emmanuel Macron avait pourtant promis à son arrivée à l’Élysée d’interdire le glyphosate “dans les trois ans” et avait à plusieurs reprises expliqué vouloir porter ce sujet au niveau européen.
En janvier 2022, le chef de l’État avait reconnu “ne pas avoir réussi” sur le glyphosate, admettant avoir commis “l’erreur” en début de quinquennat d’avoir cru la France capable de sortir de ce désherbant seule sans les autres pays européens.
“Un risque élevé à long terme sur les mammifères”
“L’évaluation de l’impact du glyphosate sur la santé humaine, la santé animale et l’environnement n’a pas identifié de domaine de préoccupation critique”, a avancé de son côté l’Autorité européenne de sécurité des aliments dans ses conclusions en juillet 2023.L’institution a cependant reconnu “un risque élevé à long terme chez les mammifères” pour la moitié des usages proposés du glyphosate, tout en reconnaissant que le manque de données empêchait toute analyse définitive.
Plusieurs pays ont interdit le glyphosate ces dernières années dont le Luxembourg en 2018, qui a finalement été contraint par décision de justice à le réautoriser. Le Mexique s’était engagé en 2021 pour une interdiction progressive du glyphosate jusqu’à un bannissement total à compter du 31 mars 2024.
Source : BSFM