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Les deux raisons qui rendent une guerre entre la Chine et les Etats-Unis très improbable

Les tensions entre la Chine et les USA ont, semble-t-il, renforcé les risques d’une guerre entre la Chine et les USA. Et pourtant, pour le monde des affaires, une guerre entre les deux premières puissances mondiales est très improbable.

Vues d'Afrique

avec Jean-Marc Sylvestre

Alors, véritable incursion en territoire étranger ou alors gros cinéma de provocation ? Cette affaire de ballon chinois survolant le territoire américain et abattu en plein vol sur ordre de la Maison blanche a rappelé au monde entier que les relations entre les Etats-Unis et la Chine étaient de plus en plus sous tension… De là à craindre la proximité d’un conflit entre les deux super puissances, il y a qu’un pas que les meilleurs experts des relations sino-américaines ne franchissent pas. Pour deux raisons : 

La première tient au fait que la Chine n’est pas en mesure aujourd‘hui d’affronter un conflit armé avec les Américains, même avec l’aide de pays amis.

La seconde raison est beaucoup plus forte. Les interconnections économiques et financières entre les deux pays sont tellement fortes qu’aucun des deux pays n’a intérêt à s’embarquer dans une telle aventure. Attaquer l’un reviendrait à se détruire un peu soi-même.

Ceci étant, jamais les deux grands pays n’ont été aussi rivaux. Jamais ils n’ont été autant en concurrence dans la plupart des domaines. D’où l’idée de quelques observateurs de penser qu’on est un peu à la veille d’une période de guerre froide, comme celle qui a dominé le monde dans les années 1970 et 1980 entre les deux blocs antagonistes. Le bloc soviétique et le bloc des nations capitalistes et libérales.

La Chine et les Etats-Unis avaient depuis la fin du bloc de l’est noué des partenariats qui ont abouti à l’adhésion de la Chine à l’OMC au début des années 2000. Moment où la Chine est devenue progressivement un acteur majeur de la mondialisation.

En aout 2018, tout change. La mondialisation très financiarisée sort d’une crise financière terrible qui a failli détruire les systèmes d’organisation occidentaux. Le Congrès américain adopte une loi de défense nationale qui désigne la Chine comme son adversaire premier et prioritaire. Pour la Maison blanche, la priorité est de lutter contre l’influence des Chinois et de mettre en ordre de bataille tous ses services et notamment renforcer le contrôle du sud-est asiatique et de la mer de Chine. Au centre de cette zone Taiwan que les Chinois commence à revendiquer comme étant une partie d’eux-mêmes.

Les Chinois, officiellement, ne comprennent pas pourquoi les Américains ont une attitude hostile à leur égard. Les Américains ont la même incompréhension. On est donc dans un dialogue de sourds ou plutôt un jeu de rôle qui masque les enjeux de la concurrence entre les deux peuples.

Pour la Chine, la relation avec les États-Unis est primordiale. Première puissance économique, politique et militaire du monde, unique superpuissance depuis la fin de la guerre froide, l’Amérique constitue pour de nombreux Chinois à la fois un modèle et un rival évident.

Pour les Etats-Unis, seule la Chine apparaît comme un pouvoir unifié concurrent. Tant la Chine que les Etats-Unis ont une conscience aiguë de cet état de choses, la relation qui lie les deux puissances du Pacifique est lourde de fascination, admiration, méfiance…

L’hypothèse d’une guerre possible vient donc d’une vision simplifiée et erronée du commerce international.

Plus probablement, ce risque de guerre vient de la volonté des États-Unis d’empêcher la Chine de devenir la première puissance mondiale. Ce qui ne doit pas être faux. Actuellement, les États-Unis sont la première économie mondiale devant la Chine et le Japon. Le produit intérieur brut (PIB) américain est d’environ 30 000 milliards de dollars. Celui de la Chine est moitié moindre. Mais la Banque mondiale répète chaque année dans son rapport annuel qu’avant 2030, la Chine sera le plus puissant du monde.

Comme en plus, la Chine a noué beaucoup de partenariats au Moyen-Orient (Arabie saoudite et Iran), avec des pays qui ne sont plus très amis avec les Américains, avec la Russie. On s’aperçoit avec évidence que la planète est partagée en trois blocs. Un bloc libéral acteur clef de l’économie de marché capitaliste, politiquement géré dans le cadre de système démocratique, un bloc de pays autoritaires qui, tout en participant au jeu de l’économie de marché, sont gérés de façon très centralisée et un bloc de pays émergents qui répondent aux influences des uns et des autres selon les opportunités. On voit ce que ça donne en Afrique ou en Amérique du Sud.

Cette géopolitique à l’équilibre fragile (on le voit avec la Russie en Ukraine) peut difficilement dégénérer en une guerre mondiale avec les deux protagonistes les plus puissants. Pourquoi ? Pour deux raisons.

La première, c’est que les deux blocs les plus puissants, Chine et Etats-Unis, sont très interconnectés sur le terrain économique et financier. Ils ont des problèmes de régulation de leurs interconnections certes, mais chacun a besoin de l’autre. L’Amérique est le premier client de la Chine. La Chine a installé chez elle les usines qui fabriquent les produits que les Européens consomment. La Chine par des coûts de main d’œuvre très bas, exporte, avec ses produits, un pouvoir d’achat que le système américain ne peut pas fournir par manque de compétitivité.

Donc, l’Amérique a besoin de la Chine, sinon ses magasins seraient vides.

La Chine, elle, a besoin des consommateurs occidentaux pour faire tourner ses usines. Sans carnet de commande, les usines ne tournent pas et le chômage s’accroit. Faute de travail, la Chine des villes devient ingouvernable.

Ajoutons à cela que la Chine a beaucoup investi ses excédents en dollars et depuis

10 ans en actifs réels, des infrastructures et des entreprises occidentales. L’Occident a besoin, pour rééquilibrer ses balances de paiement, de ses excédents.

Moralité : ces deux blocs ne peuvent pas se faire la guerre. Les Etats-Unis ne vont pas démolir les usines qui fabriquent les produits dont elle a besoin.

La Chine, de son coté, ne va pas détruire les actifs de production sur lesquels elle a investi l’essentiel de son patrimoine.

Les deux pays n’ont pour instant aucun intérêt à s’entretuer.

La deuxième raison est plus forte. La Chine fonctionne sur les marchés extérieurs comme un acteur capitaliste, mais sur le marché intérieur, la gouvernance reste autoritaire. Du coup, la Chine est évidemment très en retard sur le terrain des droits de l’Homme, des libertés individuelles et du développement du marché intérieur. Les Chinois représente le plus grand marché du monde (1,3 milliard d’êtres humains), mais ce marché n’est pas solvable.

Les autorités chinoises promettent, depuis plus de dix ans, une ouverture de ce marché intérieur mais ils ne le font pas. Politiquement, ils estiment que le peuple chinois n’est pas mûr pour profiter d’une consommation de masse. Manque de maturité peut-être. Mais la gouvernance a surtout peur de ne pas savoir gérer ce moteur de l’Occident qui fait de la consommation individuelle un des facteurs de la prospérité grâce à la liberté individuelle.

Parallèlement à ce phénomène, on sait désormais depuis le Covid que la population chinoise n’est pas responsable. La gestion du Covid s’est principalement faite par l’autoritarisme et la violence. Le confinement et l’enfermement. La gestion a été très mal faite. Ce qui a détérioré les capacités de productions.

Ajoutons à cela la baisse de la natalité et le vieillissement de la population. Peu de services publics et sociaux, peu d’école et de formation. La Chine n’a visiblement pas les fondamentaux de la gestion d’une économie de concurrence.

Entre la démographie et les difficultés de s’organiser, la Chine n’a pas la capacité de devenir la première puissance mondiale en 2030 comme l’affirme le FMI et la Banque mondiale. Autant de raisons qui rendent la guerre avec les Etats-Unis improbable, surtout si l’enjeu ne porte que sur le petit bout de rocher de Taiwan.

Source : ATLANTICO BUSINESS

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