OTTAWA – Des étudiants internationaux se verraient refuser le fait d’étudier en français dans un établissement postsecondaire hors Québec, car il ne s’agirait pas d’un parcours crédible.
L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) avance avoir recueilli des témoignages de ses membres qui lui auraient fait part de cette raison évoquée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
« Des établissements nous ont rapporté que des demandes ont déjà été refusées parce que l’agent évaluant le dossier ne considérait pas le fait de vouloir étudier en français à l’extérieur du Québec comme un parcours légitime. Donc, il y avait un doute sur la véracité du parcours proposé par l’étudiant. Il s’agit là d’un désavantage substantiel pour nous qui peut avoir des conséquences importantes pour nos établissements », a dit le directeur de l’ACUFC, Martin Normand, dont l’organisme représente 22 établissements francophones.
Ce dernier comparaissait devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, qui se penche sur le haut taux de refus d’étudiants africains francophones suite à une motion du Bloc québécois.
« J’ai failli tomber en bas de ma chaise en entendant ça », a réagi le député du Bloc québécois Alexis Brunelle-Duceppe, qui avait amené cette motion au Comité. « Même si c’est anecdotique, c’est un cas de trop. Ce n’est pas un argument valable, c’est carrément de la discrimination et c’est péjoratif envers les francophones hors Québec. C’est un manque de respect et de compréhension et de l’ignorance pure et dure », ajoute-t-il.
Il exige que le ministre de l’Immigration Sean Fraser demande des comptes et vérifie l’étendue de cette pratique au sein du ministère.
Le Devoir et Radio-Canada ont rapporté dans les derniers mois des taux de refus pour ceux souhaitant étudier au Québec allant jusqu’à 90 %. Parmi les raisons invoquées, on note que les agents d’immigration doutent du vouloir de l’étudiant de quitter le pays après ses études ou encore le fait d’avoir les poches suffisamment profondes pour venir étudier au Canada.
« Ce n’est pas juste au Québec », note M. Normand. « Ça fait une quinzaine d’années que nos établissements membres observent des taux de refus importants pour des permis d’études à des candidatures africaines. »
Dans une réponse par courriel à ONFR+, IRCC affirme que les propos de M. Normand sont faux.
« Un agent examine la documentation fournie avec la demande et s’assure que le demandeur a satisfait à toutes les exigences d’éligibilité et d’admissibilité. Dans le scénario que vous avez décrit, un agent ne refuserait pas une demande parce qu’un individu a fait une demande pour étudier en français à l’extérieur du Québec. Ce n’est pas une raison pour refuser une demande de permis d’études », explique le ministère.
UNE MÉCONNAISSANCE DES ÉTABLISSEMENTS
Martin Normand explique qu’il est parfois difficile pour les établissements de savoir les raisons des refus, car les étudiants ne sont pas obligés de les partager. Toutefois, dans ce cas-ci, ce sont des agents gouvernementaux qui évoquent directement aux établissements le parcours non « légitime » des établissements francophones hors Québec comme raison, soutient M. Normand.
« On croit qu’il y a une méconnaissance du système de nos membres. Des agents ne savent peut-être pas ce qu’est l’Université Sainte-Anne ou Saint-Boniface. Il y a peut-être un biais systémique dans la façon d’évaluer le parcours en pensant que d’obtenir un diplôme dans un établissement dans un milieu minoritaire n’a pas de valeur sur le marché du travail. »
Pour ce dernier, ce type de démarche de la part de l’appareil fédéral fait en sorte que les établissements sont désavantagés par rapport à leurs collègues anglophones.
« Nos établissements comptent sur les frais de scolarité pour faire fonctionner leurs établissements, c’est vrai pour tous. Surtout récemment, avec les coupures des provinces dans les établissements, ils doivent trouver des solutions ailleurs et une de ces solutions est via le recrutement international. Si les francophones ne sont pas capables de creuser l’écart avec les anglophones, les établissements sont moins capables de créer leur propre ressource de financements et ça crée un effet structurel. »
LE MINISTRE DOIT INTERVENIR, SELON LA FCFA
L’un des autres problèmes serait l’image que reflète ce type de cas auprès des différentes institutions. Martin Normand évoque un cas simple : « La branche chargée de la promotion (pour attirer des étrangers) à Immigration Canada me dit de mentionner aux étudiants qu’ils pourraient obtenir un permis de résidence après leurs études, mais une autre branche à IRCC refuse des étudiants sur la base de cette raison. Il y a un manque de cohérence. »
Pour la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), la solution doit passer par une intervention du ministre de l’Immigration.
« Il faut étudier la possibilité de suspendre l’obligation de prouver que les candidats retourneront dans leur pays. Ça nuit à l’atteinte des objectifs d’immigration francophone du Canada », affirme Alain Dupuis de la FCFA.
Le Canada échoue à atteindre sa cible en immigration francophone à l’extérieur du Québec depuis 2001 notait le commissaire aux langues officielles dans un rapport en novembre dernier.