OLIVIER BOSSÉ Le Soleil
Après avoir entendu son patron plaider pour une immigration économique à 100% francophone, la ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, a rouvert la porte plus grande en parlant plutôt de personnes en provenance de «pays francotropes». Sans compter le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui veut déjà des exceptions.
Mardi, le premier ministre François Legault affirmait souhaiter que chaque immigrant économique accueilli au Québec soit francophone d’ici 2026, donc avant la fin du mandat gouvernemental actuel.
Mercredi, sa ministre de l’Immigration, Mme Fréchette, s’est montrée plus flexible en élargissant la cible aux immigrants «francotropes». C’est-à-dire ceux dont la langue maternelle n’est pas le français, mais sont issus d’une culture ou d’une région ayant des affinités avec le français.
À partir de là, le bassin devient assez grand.
La ministre Fréchette donne elle-même en exemple les locuteurs d’origine latine. Qui parlent donc espagnol ou portugais, donc l’entièreté des Amériques centrale et du Sud. On considère aussi les pays arabes comme francotropes ou encore certains pays asiatiques comme le Vietnam.
«On parle de l’immigration économique qui va tendre vers une connaissance du français complète», a souligné Mme Fréchette, en mêlée de presse avant la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres.
«Est-ce que les francophones vont répondre à notre demande? Est-ce qu’il faudra viser des pays francotropes? C’est ce qu’on va voir à l’usage», a-t-elle poursuivi.
Rappelons que le Québec contrôle 60% de son immigration. Les autres 40% relèvent directement du gouvernement fédéral, à Ottawa soit les réunifications familiales et les réfugiés.
«On va voir, selon les catégories d’immigrants, ce qui pourrait être activé comme critères additionnels pour valoriser la connaissance du français ou valoriser une langue latine, pour laquelle le transfert linguistique s’opère plus facilement envers le français», explique-t-elle.
Mme Fréchette souligne «qu’il y a plus de 320 millions de locuteurs francophones de par le monde. Je ne peux pas croire que dans ces 320 millions, ceux qui voudront immigrer, qu’il n’y en ait pas suffisamment qui correspondent aux besoins, aux profils» recherchés.
Exception pour la filière batterie
Son collègue ministre de l’Économie, de l’innovation et de l’Énergie, M. Fitzgibbon, s’affirme parfaitement d’accord avec l’objectif de viser 100% d’immigration économique francophone ou francotrope, qu’il trouve «noble».
Mais du même souffle, il donne en exemple l’entreprise sud-coréenne POSCO, dont le nom signifie Pohang Iron and Steel Company. POSCO bâtit une usine à 500 millions $ pour produire des matériaux actifs de cathode servant dans les batteries pour les véhicules électriques de General Motors.
«POSCO va avoir des experts sud-coréens en cathode. Il y a peu de Sud-Coréens qui parlent français. O doit accepter ça. L’objectif est noble, mais il faut utiliser notre jugement», a tempéré le ministre Fitzgibbon, aussi abordé dans les couloirs du parlement.
La ministre Fréchette ne dit pas non, mais indique qu’«on n’en est pas à la gestion des exceptions. Pour l’instant, on donne une orientation globale dans laquelle on va s’engager pour les prochaines années».
Elle pointe aussi le rôle du gouvernement fédéral dans le dossier. «Le fédéral a son mot dire aussi dans une grande part de notre bassin d’immigrants. On s’attend à ce que le gouvernement canadien enjoigne le pas du gouvernement québécois qui vise à faire en sorte qu’on ait davantage de gens qui maîtrisent le français, a-t-elle commenté.
«On s’attend à ce que le gouvernement fédéral entre dans la danse. Ils nous ont dit que le fait français est important pour eux, alors on veut que ça transparaisse dans les politiques d’immigration», a dit Mme Fréchette.