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Je n’aime pas les élections

Photo by Patrick Ogilvie on Unsplash

Vues d'Afrique

Je n’aime pas les élections.

Non pas par inclination pour la dictature, mais pour bien d’autres raisons.

Je m’explique.

C’était au primaire, pendant les années 1960, où j’avais appris le mot démocratie. J’avais compris que c’est une manière de gouverner par le peuple par le biais du vote et c’est la majorité qui prend la décision. J’avais trouvé ça merveilleux et équitable.

Par la suite, comme tout autre jeune étudiant, on m’enseigna les concepts philosophiques très évolués de la pensée humaine, élaborés par les philosophes des lumières qui avaient cette vision d’une société juste, basée sur l’égalité des individus devant la loi, les chances de réussir etc… J’étais ébloui par tant de sagesse occidentale. Je ne pouvais concevoir le monde sans cet occident libéré et libérateur, débarrassé du joug de l’église, du féodalisme et je ne sais quoi d’autre.

Durant mes études en France, j’avais vite fait de déchanter. Mon expérience de vie n’avait pas été des plus heureuses dans cette société aux multiples visages, pour laquelle des milliers de mes concitoyens s’étaient sacrifiés pour sa libération du joug nazi – né sur la terre d’aussi grands philosophes comme Kant, Schopenhauer, Marx, Fichte, Nietzsche et les autres. Me démontrant ainsi que cette société, à l’histoire aussi riche en événements libérateurs qu’en penseurs, souffrait beaucoup de son manque de cohérence vis-à-vis de ce qu’elle prétend être et surtout du message qu’elle aime transmettre aux autres peuples.

Ce qui m’amena à me poser cette question fondamentale : à qui et à quoi sert donc cette philosophie si les systèmes qui la diffusent et qui en sont si fiers ne s’emploient qu’à la contredire dans leurs politiques ?

J’appris qu’il y avait des luttes meurtrières entre différentes couches de la société, pour que ce système, pourtant très logique, soit enfin reconnu comme système de gouvernance dans des pays dits démocratiques désignés par les termes “développés ou civilisés” par ceux qui séparent le monde en deux ; les arriérés ou sous-développés, tous colonisés et les avancés ou puissances qui colonisent les premiers.

Inutile de préciser que cette vision duale provenait de ces mêmes pays démocratiques qui ne pratiquaient cette fameuse “démocratie” qu’à l’état local ; c’est-à-dire, juste chez eux et non chez ou pour les autres.

Démocratiques chez soi et tyrans ailleurs !! La démocratie a plusieurs significations. Elle est donc définie et respectée dans un territoire ou domaine bien définis hors desquels elle n’existe plus et n’a plus raison d’être.

Ce fut ma réflexion sur les pays illuminés et leurs penseurs dont les textes et les noms peuplent les encyclopédies et les gradins d’universités de prestige. Apprendre Jean Jacques Rousseau à La Sorbonne est nettement différent de le voir ailleurs en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie. Au fait, Marianne avec son bonnet phrygien n’a jamais quitté l’hexagone.

Mais passons et regardons un peu ce qui se passe en occident et plus particulièrement au Québec.

Des partis aux couleurs indéterminées, ou, disons-le, changeantes, qui prennent la couleur qui les arrange selon les circonstances. De vrais partis caméléons faisant de la prédation des votes leur principe de base. Le pouvoir étant le seul et unique objectif. Sinon comment expliquer le changement de cap brutal du parti Québécois vis-à-vis des immigrants durant la campagne électorale de 2014, quand la cheffe du PQ avait proposé la charte au nom si long que personne ne s’en souvient aujourd’hui ?

Encore aujourd’hui, en 2022, la CAQ trouve le moyen d’exceller dans ce sens en faisant des amalgames entre extrémisme, violence et immigration. Les voies de la politique sont donc impénétrables. Mais pas aussi impénétrables que ça. Apparemment l’appât du vote y serait pour beaucoup. En jouant sur la corde identitaire, les péquistes aussi pensaient doubler les caquistes héritiers du succès éphémère de la défunte ADQ. Ils durent faire face à un échec cuisant jamais vécu. Mais la tentation de dévier vers les bassesses politiques est là pour rester tant et aussi longtemps que la peur de l’autre n’est pas vaincue. Et c’est là l’un des nobles rôles des politiciens.

Il n’y a pas vraiment de gauche ou de droite. Au sein du même parti, il peut y avoir des positions à droite ou à gauche, dépendamment des circonstances et de la tendance du vote. Ainsi le PQ réputé historiquement de centre gauche, se retrouve à droite dans le dossier de l’immigration. Peut-être inspiré par le succès de l’ADQ en 2007 qui avait fait élire 41 députés en surfant sur la vague de l’immigration et de l’identité.

Les idées, non plus, ne peuvent être prises en compte dans la décision d’un citoyen pour pencher vers un parti ou un autre, puisqu’elles ne sont qu’éphémères. Nous sommes loin des concepts socio-démocrate, travailliste ou conservateur aux bases bien établies et inébranlables. Ce sont les circonstances fabriquées, pour ne pas parler de populisme, qui avantagent les partis. Aussi complexe que cela puisse paraitre, les timoniers des partis, eux, savent comment diriger leur navire en s’alliant les grandes concentrations de votes.

Et c’est là, la faiblesse de la pauvre démocratie locale. Le vote pipé par le populisme, déconnecté de l’essentiel et de la vraie réalité des citoyens, y compris ceux d’adoption et de ce qu’ils peuvent apporter à la société, l’a perdue. Le constat de société exclusive m’imposa une peur angoissante. Surtout quand je pense à mes enfants qui auront à l’endurer quand ils seront pointés du doigt à chaque élection.

C’est pendant cette période que je découvre que je ne suis pas vraiment un québécois aux yeux des partis politiques, et qu’il y a plus québécois que moi. Malgré presque 30 années de résidence dans la belle province. On me juge à toutes les sauces, tantôt islamiste, tantôt terroriste en sieste, tantôt barbu aux idées ténébreuses – je ne peux même pas laisser pousser ma barbe -, tantôt “BS-iste” profitant de l’état de providence. Je deviens celui par qui arrivent tous les maux de la société. Certains vont jusqu’à m’accuser d’être celui derrière leur échec référendaire.

Si c’était vrai, je suis donc une puissance au bois dormant. Mes siestes sont des cauchemars pour certains. Mais comment se fait-il que je sois l’entité visée du doigt quand il s’agit de définir les enjeux de cette société d’accueil ? Et alors par quel miracle un descendant de bédouin comme moi, issu d’une de ces tribus du Haut-Atlas totalement inconnues des descendants de Samuel de Champlain, puisse faire des ravages aussi importants et empêcher de dormir, pour qu’il s’attire les “tabarnacs, asties, calices” et pire encore, de la part des partis et de leurs membres qui ignorent tout de ses origines aussi lointaines et aussi inconnues soient-elles ? Mais alors, le lointain et les hautes cimes doivent certainement engendrer des sentiments de crainte voire d’exclusion pour ceux en manque d’inpiration pour leurs discours mobilisateurs !?

Jamais je n’oublierai le jour où le propriétaire, chez qui je louais, me demanda un jour et sans vergogne, pour donner suite à ma demande de déboucher l’égout “Mais qu’est-ce que vous mangez ?”. Ma femme lui répondit tout bonnement : tout ce qu’on achète à Maxi – supermarché du coin. Il hocha la tête et s’en alla, furieux, peut-être contre ce supermarché qu’il doit soupçonner, selon sa conception ou sa compréhension des réseaux d’évacuation d’eaux usées, de nous refiler en contrebande, des serpents à sonnettes ou des lézards boucheurs d’égouts.

Je pense que ces partis sont devenus des experts en création d’épouvantails pour les besoins de leurs campagnes électorales jusqu’à en oublier l’essentiel.

Voter, signifie donc passer par une douleur dont j’aimerai bien me passer.

Khalid Daher/Maghreb-Observateur

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