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La Loi sur la laïcité de l’État est maintenue

La laïcité au Québec, une histoire en quête d'un dénouement |  Radio-Canada.ca

La Cour supérieure soustrait les commissions scolaires anglophones et les élus de l’Assemblée nationale à l’interdiction du port de signes religieux et à l’obligation du visage découvert prévues dans la Loi sur la laïcité de l’État.

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Aux yeux du tribunal, la loi 21 viole l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés qui accorde des droits constitutionnels aux minorités linguistiques dans la gestion de leurs écoles. « Sans nier ni diminuer le fait que la reconnaissance de la diversité culturelle et religieuse existe et se trouve valorisée dans le système d’éducation public francophone, le Tribunal doit constater que la preuve non contredite permet de conclure que les commissions scolaires anglophones et leurs enseignants.es ou directeurs.trices accordent une importance particulière à la reconnaissance et à la célébration de la diversité ethnique et religieuse », écrit le juge Marc-André Blanchard dans une décision rendue publique mardi avant-midi.

L’emploi des clauses de dérogation de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne a considérablement limité la marge de manœuvre du Tribunal — et a permis de sauvegarder l’application de l’interdiction du port de signe religieux et de l’obligation du visage découvert notamment dans les centres de services scolaires francophones.

« Il ne fait aucun doute qu’en l’espèce la négation par la Loi 21 des droits garantis par les Chartes entraîne des conséquences sévères sur les personnes visées. Non seulement ces personnes se sentent ostracisées et partiellement mises à l’écart de la fonction publique québécoise, mais en plus certaines voient leur rêve devenir impossible alors que d’autres se trouvent coincées dans leur poste sans possibilité d’avancement ou de mobilité. De plus, la Loi 21 envoie, en outre, le message aux élèves issus des minorités portant des signes religieux qu’ils doivent occuper une place différente dans la société et qu’à l’évidence la voie de l’enseignement public, au niveau préscolaire, primaire et secondaire n’existe pas pour eux. Il s’agit là d’effets délétères très importants », a soutenu le juge Marc-André Blanchard. « [T] ant que notre société reconnaît la liberté de religion […], il s’ensuit qu’elle ne peut en faire abstraction comme s’il s’agissait d’une simple matière accessoire », estime-t-il.

Pour l’Association canadienne des libertés civiles, le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) ou encore la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui jugent la loi 21 discriminatoire envers les minorités religieuses, à commencer par les femmes musulmanes portant le hidjab, la décision de la Cour supérieure est une demi-défaite ou une demi-victoire.

L’étudiante au baccalauréat en enseignement à l’Université de Montréal Ichrak Nourel Hak avait sonné la charge contre la Loi sur la laïcité de l’État le 17 juin 2019, soit moins de 24 heures après son adoption sous bâillon par l’Assemblée nationale. Elle avait déposé un pourvoi en contrôle judiciaire afin de faire déclarer la loi invalide, ainsi qu’une demande de sursis provisoire des articles prévoyant l’interdiction du port d’un signe religieux dans l’exercice de certaines fonctions (article 6) et l’obligation du visage découvert lors de la prestation et la réception de services publics (article 8), mais en vain. À la lumière de la décision du juge Blanchard, Ichrak Nourel Hak pourrait vraisemblablement enseigner dans le réseau d’enseignement anglophone tout en portant son hidjab, mais pas dans le réseau francophone.

Pour le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, le tribunal « est en train de séparer les anglophones et les francophones comme des groupes n’étant pas gouvernés par les mêmes lois ». « Que ce soit pour les politiciens à l’Assemblée nationale ou pour les commissions scolaires anglophones, le cadre juridique canadien nous refuse le droit à nous autodéterminer », a-t-il déploré mardi avant-midi.

Le Parti libéral va « respecter le processus judiciaire », a indiqué de son côté la cheffe de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale, Dominique Anglade, sans ignorer que le débat sur la légalité de loi 21 se transportera sans doute devant la Cour d’appel du Québec, puis la Cour suprême du Canada. Dans l’immédiat, « on va prendre le temps d’analyser le jugement », a-t-elle dit, avant d’ajouter : « On est en faveur de la laïcité. »

Le magistrat dispense aussi les membres de l’Assemblée nationale de l’interdiction du port de signes religieux. Celle-ci viole l’article 3 de la Charte canadienne garantissant selon lequel « tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales ». « [L’]effet du premier alinéa de l’article 8 mène à une seule conclusion raisonnable : une personne qui se voile le visage ne peut envisager de siéger à l’Assemblée nationale même après son éventuelle élection, ce qui manifestement fait en sorte que bien qu’elle puisse, à strictement parler, se présenter à un poste électif, elle ne pourra donner suite à un éventuel mandat reçu des électeurs.trices », souligne le juge Blanchard.

Source Le Devoir

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