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L’image de la femme et les violences symboliques à son égard au Maroc

image de la femme
la femme et les violences symboliques

 

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L’image de la femme au Maroc est similaire à celle des femmes vivant dans une société où prédomine l’idéologie patriarcale et où l’éducation traditionnelle joue un rôle majeur dans la pérennité et la reproduction de pratiques sociales discriminatoires et dévalorisantes.L’interaction entre ces deux paramètres se traduit par l’omniprésence et l’enracinement des canons et des valeurs du patriarcat glorifiant et institutionnalisant la suprématie de l’homme. La femme est confinée dans un statut d’être inférieur, image fortement ancrée dans la conscience collective, car légitimée par la norme juridique régissant les relations entre les deux sexes dans les espaces public et privé.

Fawzi Fayrouz
Fawzi Fayrouz

 

 

 

 

 

Depuis quelques temps,de nouveaux terrains sont explorés pour appréhender d’autres aspects de la domination masculine qu’hommes et femmes intériorisent comme normes culturelles. Et même si le discours ambiant, notamment chez les élites, développe la rhétorique de l’égalité entre les sexes et met en avant la citoyenneté comme mécanisme d’équité, en réalité, souvent, le recours à l’exaltation publique de ces concepts vise essentiellement à juguler les manifestations de la différence provenant du dominé, autrement dit la femme.Aujourd’hui, les femmes se retrouvent aux prises avec une autre forme de domination exercée au nom d’un principe symbolique reconnu par le dominant et le dominé, qui pourrait être un produit linguistique, une tradition orale comme les proverbes, un rite, une coutume mais aussi l’éducation traditionnelle.Ces éléments permettent à l’ordre établi de maintenir sa prééminence par le recours à une violence insidieuse, invisible et, finalement, tellement ancrée dans les inconscients que nous ne l’apercevons pas, tellement accordée à nos attentes que nous avons du mal à la remettre en question .Comme la violence directe, cette violence dite symbolique entretient la différenciation des sexes en associant aux mécanismes déjà existants d’autres mécanismes considérés comme des évidences agissant sur les rapports sociaux, car intériorisés comme ce qui va de soi. Leur manipulation est faite de manière à rendre acceptable cette violence symbolique, et à l’imprimer insidieusement dans les attitudes et les comportements.

   L’idéologie patriarcale a trouvé dans ces produits une source inépuisable pour continuer à assurer la prédominance du mâle et enraciner les croyances selon lesquelles les hommes sont des êtres supérieurs aux femmes.Ainsi, outre les textes écrits, d’autres sources sont utilisées comme le langage pour maintenir le statu quo fait de clichés selon lesquels les hommes sont plus forts, plus intelligents; les femmes rusées et craintives. Les rapports genre sont basés sur des jugements de valeurs pour décrire des différences.C’est dans cet univers qu’hommes et femmes évoluent. Le rôle des uns et des autres est fixé dès l’enfance. Ils grandissent imbus d’une culture qui correspond au schéma préétabli.Les mariages, les fêtes traditionnelles, les rencontres familiales constituent des occasions pour construire et consolider les distinctions entre eux, en tant que sexes, par les rites ou les autres instruments de la culture dite populaire comme les contes, les proverbes… C’est de là que la violence symbolique puise son énergie.

D’autres moyens sont entrés en ligne de compte, prêtant main forte à ces référentiels socioculturels. Il s’agit des médias —  notamment la télévision — et de l’école, considérés comme vecteurs importants de la violence symbolique à l’égard de la femme. Ce sont les nouveaux modes de transmission des stéréotypes et leur caisse de résonance, destinés, a priori, à aider les mentalités à s’inscrire dans le processus de la modernité, ils participent, tout au contraire, à chosifier (spots publicitaires), dénigrer et humilier la femme (émissions télévisées et manuels scolaires).

La situation est d’autant plus alarmante qu’aussi bien la télévision que l’école touchent des millions d’individus et influent d’une manière déterminante sur les opinions et les comportements.Aussi bien la télévision que l’école agissent sur une réalité en construisant des imaginaires collectifs, en orientant les représentations et les comportements sociaux. Elles font ainsi écho aux clichés véhiculés par la culture orale, les traditions et l’idéologie patriarcale sous ses différents aspects.L’image de la femme mère, épouse et de la femme objet y est glorifiée. La femme seule, la femme stérile, la divorcée sont pénalisées à travers leur non reconnaissance en tant qu’individus ou par des réflexions et autres sous-entendus déplacés et culpabilisants.

Il faut rappeler l’importance des mass-médias, tout particulièrement la télévision, et le rôle décisif qu’ils jouent dans l’évolution des mentalités et dans la modification des comportements sociaux. La télévision construit la mémoire collective, la forme ou la déforme, selon l’objectif qui lui a été assigné. Au Maroc, la télévision continue à reproduire et à transmettre les clichés afférents à une culture tutélaire, paternaliste et inégalitaire et à conforter le système établi dans sa vision de la femme par le recours à un discours aux relents misogynes. Emissions, spots publicitaires, pièces de théâtre rivalisent en concepts, langages et autres messages dévalorisant la femme en la présentant sous une image en inadéquation avec la réalité et, bien plus grave, une image aux antipodes du discours officiel et des objectifs affichés par les pouvoirs publics.Dans les spots publicitaires des télévisions marocaines, la femme au foyer est dévalorisée, elle est réduite à une ménagère ; mais la femme moderne, au moins en apparence et au niveau du langage utilisé, n’est pas mieux lotie. Dans la publicité destinée à sensibiliser les téléspectateurs aux dangers de la route, c’est la femme, habillée en tailleur, maquillée, bien coiffée et faisant usage d’un vocabulaire qui laisse supposer un certain degré d’instruction… qui incite son mari à conduire beaucoup plus vite; le mari refuse et fait son speech moralisateur sur les dangers de la vitesse. La scène s’achève par un gros plan de l’enfant qui, s’adressant à son géniteur, prie Dieu de le lui préserver, car son papa pense à sa sécurité. Que dire? Sinon que la femme incarne la précipitation. l’immaturité, et l’homme la sagesse et la clairvoyance.

Le discours et le langage véhiculés par les masses médias sur les femmes, faits de concepts et autres superlatifs implicitement ou explicitement misogynes, constituent dans certains programmes et émissions, au-delà de la violence qu’ils propagent, une réelle agression.C’est au sein de ces instances:l’école, la radio et la télévision que la violence symbolique à l’égard des femmes . pernicieuse, elle reproduit des messages qui contribuent ainsi à accentuer les contradictions et maintenir les résistances principalement chez les générations futures, censées devenir les forces du renouveau.

Par Fawzi Fayrouz , doctorante en sociologie littéraire

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