Des histoires déchirantes invisibilisées
Il est très difficile pour ne pas dire impossible de trouver un reportage, un titre, un bandeau d’information qui traite de l’enfance palestinienne. Celle-ci paye pourtant un tribut extrêmement lourd, et constitue un sujet à part entière dans cette terrible tragédie.
Sur les chaînes d’information françaises en continu, on n’a pas vu l’histoire et le visage de Mohammed Nazzal, qui affirme avoir été frappé en prison, juste avant sa libération, par ses geôliers avec des barres en métal jusqu’à subir une fracture et des contusions. Ses dires ont été confirmés par le service Checknews du journal Libération. Sur les chaînes infos françaises, la torture d’enfants palestiniens semble être un tabou.
On n’a pas vu non plus les visages de Bassem et Adam, exécutés de sang-froid par un sniper de l’armée israélienne en Cisjordanie, le 19 novembre 2023. Pourtant, ces meurtres ont été enregistrés par une caméra de vidéosurveillance et diffusé dans d’autres médias étrangers. Dans nos journaux télévisés, un double meurtre filmé de jeunes enfants palestiniens semble être un « non sujet ».
On n’a pas vu la libération du jeune Qassam, ni ses retrouvailles poignantes avec son père qui ne le reconnaît pas à cause de sa perte de poids. « Où est passé ton poids ? Ils ne te nourrissaient pas ? », lui demandera son père. « Nous avons été privés de tout », répondra-t-il.
On n’a pas vu la jeune Alma, 13 ans, parler aux secouristes dans une vidéo, alors qu’elle et sa famille sont coincés sous les décombres suite à un bombardement à Gaza. Elle ne veut pas être sauvée la première et demande aux secouristes : « Aidez-mes parents, mes frères et sœurs et mes grands-parents d’abord. » Son courage et sa bravoure qui déchirent le cœur ont tout simplement été occultés dans nos médias.
Des images glaçantes montrant des enfants qui tentent de ramasser de l’eau de pluie à même le sol et sur les routes afin d’étancher leur soif sont absentes de nos médias. Des vidéos tragiques montrant des corps inertes d’enfants, de leurs bras ou de leurs jambes qui dépassent des décombres à Gaza ne sont pas diffusées, même en étant floutées. Seules des vues aériennes de bâtiments effondrés sont diffusées, laissant croire à de simples dégâts matériels. Pas d’évocation non plus des bébés prématurés qui sont morts dans l’hôpital d’Al-Nasr de Gaza suite aux coupures d’électricité et à l’évacuation forcée de l’établissement par l’armée israélienne. Les images de cette barbarie sans nom sont pourtant confirmées et accessibles.
Les immenses séquelles post-traumatiques que la quasi-totalité des enfants palestiniens devront trainer toute leur vie à cause des cruautés et des sauvageries auxquelles ils sont exposés ne semblent faire l’objet d’aucun débat.
Une petite enquête d’Al Jazeera anglais a permis de mieux comprendre ce qui se passe dans les rouages de certains titres influents du paysage médiatique français.
L’enquête s’est intéressée particulièrement à BFMTV, première chaîne d’informations en France. Il en ressort que depuis le début de la guerre, la chaîne utilise comme principale source les contenus de la chaîne israélienne i24 News, proche du gouvernement de Benyamin Netanyahou.
Or, il se trouve que BFM et i24 News ont le même propriétaire, le milliardaire franco-israélien Patrick Drahi. Par exemple, le journaliste qui fait état sur la chaîne française de 40 enfants tués au premier jour de l’attaque ne travaille pas pour BFM mais pour i24 News.
Ces médias Français participent à précipiter « l’heure la plus sombre de l’humanité »
Par ce silence, de nombreux responsables politiques ont une perception biaisée de la situation au Proche-Orient. Leur approche et leurs déclarations semblent en décalage face à la gravité de la situation et à la réalité du terrain. Malgré les milliers de victimes civils dont des enfants en majorité, malgré les nombreuses violations du droit international et les alertes des ONG sur des risques génocidaires, ces hommes politiques continuent de pérorer qu’Israël a le droit de se défendre.
La majotité des médias Français , comme la majotité des responsables politiques, font désormais l’objet de critiques acerbes dans de nombreux cercles mondiaux pour leur approche, accusés de racisme et de défiance à l’égard de tous les principes qui fondent la démocratie. Une circonstance aggravante et de taille s’ajoute à cela : la France est sensée être, aux yeux du monde, la « patrie des droits de l’Homme ».
Ces critiques internationales, devaient étre entendues et regardées avec humilité pour que les valeurs et principes que la France prétend défendre ne se réduisent à des slogans vides de sens.
Le 5 décembre 2023, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a alerté sur le fait qu’à Gaza, la situation était « proche de l’heure la plus sombre de l’humanité ». Nul doute que les médias Français, par leur silence et cette occultation, participent pleinement à précipiter cette heure sombre.