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Une civilisation judéo-musulmane C’est l’histoire d’un juif qui rencontre un autre Arabe…Blague dite la plus courte du monde

Extrait du livre

Vues d'Afrique

Un nouvel antisémitisme ?


J’ai retenu du philosophe italien Benedetto Croce qu’il n’y a d’histoire que contemporaine 17
, aussi commencerons-nous par le présent. Mardi20 octobre 2015, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou évoquait, devant le 37e congrès sioniste mondial, le mufti de Jérusalem alHaj Amin al-Husseini et sa rencontre en Allemagne avec Adolf Hitler le 28 novembre 1941 : « Il s’est envolé vers Berlin, Hitler ne voulait pas à l’époque exterminer les juifs, il voulait expulser les juifs. Et Haj Amin AlHusseini est allé voir Hitler en disant : “Si vous les expulsez, ils viendronttous ici.” “Que dois-je faire d’eux ?”, demanda-t-il. Il a répondu : “Brûlezles !” » Autrement dit, selon Benyamin Nétanyahou, Adolf Hitler n’aurait été qu’un passif instrument entre les mains du machiavélique Palestinien, ce dernier lui ayant soufflé l’idée de la solution finale. Pour Saëb Erakat, secrétaire général de l’OLP, « Nétanyahou déteste tellement les Palestiniens qu’il est prêt à absoudre Hitler pour le meurtre de six millions de juifs ».

Les propos du Premier ministre israélien traduisent une volonté de procéder à une révision de l’histoire en incriminant les Arabes pour en faire les propagateurs et les acteurs majeurs de l’antisémitisme. L’idée est
d’atténuer la profondeur de l’antisémitisme européen, son histoire longue sur le continent, afin d’en charger les Arabes et le monde musulman. C’est ce qu’en France Georges Bensoussan se plaît à appeler l’antisémitisme nouveau qui serait d’après lui un antisémitisme d’importation.
,
comprenez : venu du Maghreb. Un regard porté sur l’histoire des juifs dans le monde arabe montre pourtant un tout autre reflet. Durant la plus grande partie de leur histoire, les sociétés arabo-musulmanes n’ont pas exercé sur les juifs une violence aussi redoutable que celle qui s’est abattue sur eux en
Occident, et si la judéophobie dans le monde arabe est à bien des égards un produit d’importation, c’est depuis l’Europe qu’elle s’est répandue.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la révélation des génocides et des massacres de masse perpétrés sur son sol fait que l’Europe a du mal à se penser en modèle de civilisation. La jeunesse politisée des années 1960, issue du baby-boom, ainsi qu’une génération d’intellectuels
critiques se sont chargées de le rappeler. Un retournement des principes et une renaissance du concept de civilisation sont en cours depuis déjà quelques années. Les efforts se concentrent pour revaloriser une civilisation occidentale fondée sur des principes aussi respectables que l’attention aux
libertés fondamentales et aux droits démocratiques. Pour parfaire cette opération de nettoyage moral autant que pour se débarrasser d’une mauvaise conscience, il importait de déplacer la responsabilité de
l’antisémitisme et des génocides hors de la sphère européenne et occidentale.

Au cours des dernières années de la guerre froide, un courant – qui n’est pas encore achevé – tendait à repousser la responsabilité du génocide juif en direction de l’est, notamment vers la Pologne. Le film Shoah de Claude Lanzmann contribua à fonder cette tendance. Les plans larges sur la campagne polonaise et les interviews de paysans repoussaient visuellement la judéophobie et le meurtre de masse des juifs d’Europe vers des marges supposées incultes de l’espace européen. En 1985, dans ce long-métrage de neuf heures, Lanzmann n’accordait pas une minute à la politique antijuive menée par Vichy ; les lignes de chemin de fer qu’il filmait aboutissaient àAuschwitz, mais aucune ne partait de Drancy ou de Beaune-la-Rolande 19.
.
En revanche la brutalité des Polonais, en particulier ceux appartenant aux classes les plus basses et les plus fragiles (paysans, cheminots, etc.), ne cessait d’être rappelée. Après la fin de la guerre froide et avec l’inclusion des États de l’ancien bloc de l’Est dans l’Union européenne, il fallut déplacer les responsabilités
de l’horreur génocidaire encore un peu plus loin, encore un peu plus à l’est, encore un peu plus en dehors de la sphère européenne, en Orient, dans un monde arabe et musulman débarrassé de la tutelle coloniale. Cette tendance a puisé dans une habitude courante consistant à diffamer tout mouvement
arabe en laissant supposer sa collusion avec le fascisme, à l’instar de Guy Mollet comparant Nasser à Hitler en 1956 pour le crime d’avoir nationalisé le canal de Suez 20 En 1991, puis en 2003, c’est Saddam Hussein qui hérita du qualificatif « nouvel Hitler ».

Source : file:///C:/Users/benz6/Downloads/Berbe%CC%80res%20juifs%20-%20J.%20Cohen-Lacassagne.pdf

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