Par : Majid Blal
Georges Brassens, voulant souligner son antimilitarisme, chantait :
« La musique qui marche au pas, cela ne me regarde pas », toutefois, il perdure des dettes de sang en suspens.
Toutefois, il y a des impondérables historiques qui nous interpellent parce qu’ils nous rallient à la cause humaine. Cela devait être impressionnant, émouvant et historiquement marquant de voir défiler les libérateurs à Paris, à Cannes, en corse comme dans plusieurs villes d’Europe. Voir pour remplir l’iris de l’éternité. Voir les gigantesques cohortes d’Africains qui s’étaient dévoyés pour délivrer la France. La France, l’Empire qui colonisait, encore, leurs propres pays.
Le 11 novembre, jour de l’armistice. La première comme la deuxième guerre Mondiale ont été les scènes ou les hommes venus d’Afrique et d’ailleurs avaient combattu, ensemble, pour insuffler le souffle d’indépendance aux européens qui dominaient le monde et pourtant se dépêtraient dans les Panzers allemands.
Le 11 novembre est une date importante à ne pas éclipser par ignorance ou par besoin d’oublier les moments du mépris, de la haine et de la guerre qui a abouti à 75 millions de morts.
Le 11 novembre est la journée du souvenir. La journée qui donne son sens au coquelicot rouge qu’on arbore sur ses vêtements pour rendre hommage aux vétérans qui s’étaient donné corps et âmes afin de saborder un régime barbare. Un régime raciste, expansionniste et porteur d’une idéologie en escalier où trônerait, en haut, la caste aryenne.
Un muguet le premier mai, une tulipe à Ottawa comme un geste de gratitude à la Hollande, une jonquille pour les résistants qui ne calculaient jamais le risque de perdre leurs vies et un coquelicot pour le souvenir.
Un coquelicot rouge comme un bouquet de gratitude qu’on agrafe à la mémoire, afin que son écarlate ne laisse aucun point de doute et de place à l’oubli. Et on dira, plus jamais cela !
Un coquelicot rouge qui rappelle au monde l’existence de dettes de sang non honorées. Des titres de créances qui attendent qu’on puisse reconnaître à chacun son dû. Rendre à chacun le montant de l’emprunt dans les pages de l’histoire de l’humanité.
Un jour du souvenir pour ceux pour qui ÊTRE devrait être un engagement envers les autres. Un coquelicot, une pensée pour ceux qui, par leurs vies, ont donné un sens au devoir de l’espoir. L’Esperanza comme l’endossement d’un effet à payer. Un coquelicot pour tous les vétérans. Puis, portés par l’élan du manque de gratitude, ils appelleront vos enfants Bicots, Bougnoules, Fatma et Mouloud, Mamadou et sa conjointe…
Les vétérans, comme les Canadiens, des débarquements meurtriers. Des vétérans comme les tirailleurs africains avec leur prestigieuse campagne d’Italie, la libération de la Corse et la montée jusqu’au Vosges. Les maghrébins se sont illustrés sur le terrain boueux et froid du Mont Cassini. Puis le mont Pontano, San Bagio, Mona Casale, Mont Faito et plein d’autres batailles ou la bravoure des maghrébins en compagnie d’autres tirailleurs venus d’autres contrées africaines.
Tirailleurs, Spahis, Goumiers, Tabors et ces fameuses divisions marocaines de montagnes qui avaient participé activement à la libération de la Corse en septembre-octobre 1943 ainsi que dans les Abbruzzes où avec les troupes françaises, ils avaient enlevé d’assaut les positions montagneuses du belvédère. Des batailles historiques, avant de pousser plus loin leurs offensives à Paris, à l’île d’Elbe, de la Provence aux Vosges et finalement jusqu’à Berlin. Il faudrait souligner que dans le froid et la boue du Mont Cassini et sur d’autres places de la bataille d’Italie les canadiens étaient aux côtés de ces soldats venus d’Afrique.
LA JOURNÉE DU SOUVENIR pour offrir une promesse de paix et dire : Plus jamais l’horreur.
Les dettes de sang doivent nous rappeler qu’on doit avoir des causes communes, afin d’éviter que les guerres qui sont par essence inhumaines ne se répètent. La cause commune devrait s’inscrire dans le développement et la recherche de la paix plutôt que dans la pratique des guerres.
Dominique Lormier écrit dans son livre « C’est nous les africains » paru chez Calmann-Lévy en 2006 :
« Les colonies françaises ont fourni quatre-vingt mille hommes pour la campagne de France de 1939-1940 : dix mille cinq cents Malgaches dont 29,6% ont été tués; soixante huit mille cinq cents soldats d’Afrique noire qui ont subi 38% des pertes. À ces forces s’ajoutent les troupes nord-africaines qui s’élèvent à trois cent quarante mille hommes. En août 1944, l’armée de terre française compte environ cinq cent mille hommes, dont la moitié provient des possessions d’outre mer : cent trente quatre milles Algériens, soixante-treize milles Marocains, vingt six mille Tunisiens et quatre- vingt-douze milles d’Afrique noire, parmi lesquels quarante-deux milles originaires de l’Afrique de l’Ouest, vingt trois mille de l’Afrique centrale et vingt sept mille de Madagascar »
« La France ne sera pas toujours reconnaissante du sacrifice consenti, loin de là. Beaucoup vont subir après la capitulation allemande l’indifférence et le mépris des autorités en place. Les soldats d’Afrique, un temps français par le SANG VERSÉ, redeviennent des « des bougnoules » et des « nègres », des individus de deuxième zone, alors qu’au même m o m e n t d e s collaborateurs…gravissent des échelons les plus insignes… »
Jamel Debbouzze disait dans une entrevue :
« Nos arrières grands-parents ont libéré la France, nos grands parents l’ont reconstruite, nos parents l’ont nettoyée et nous la raconterons »