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Maroc/Santé : Les médecins face au numérique: première enquête marocaine


Par Amal BOURQUIA

Vues d'Afrique

Professeur Amal Bourquia, néphrologie, dialyse et transplantation, est experte en éthique et communication médicales, health consulting, écrivaine, conférencière. Elle est présidente de l’association REINS
L’invasion du numérique dans le domaine de la santé a profondément transformé la pratique de la médecine dont la relation avec les patients. Cette transformation apporte des avantages mais pose également des défis auxquels les médecins doivent faire face. Ils doivent être prêts à s’adapter, à se former et à établir des lignes directrices éthiques pour cette inévitable intégration du numérique dans la pratique médicale afin d’assurer que les avantages du numérique sont exploités en préservant la relation patient-médecin et la qualité des soins.

Une enquête auprès des médecins sur la santé numérique peut fournir des informations utiles sur la façon dont les professionnels de la santé perçoivent et adoptent les technologies numériques dans leur pratique clinique.

■ Les motivations de ce travail

C’est dans cette optique et avant la mise en pratique du projet de numération du secteur de la santé qu’il nous est paru nécessaire d’évaluer la perception et la situation de l’utilisation du numérique par nos praticiens et leurs attentes dans ce domaine. Pour cela, nous avons réalisé ce sondage qui a été mené en ligne et complété par un échantillon de 1.023 médecins travaillant dans différentes spécialités et régions.

Les principaux objectifs de l’enquête étaient de comprendre le niveau de connaissance des médecins sur les services de santé numérique, de mesurer leur niveau d’acceptation, de voir leur perception de l’efficacité et l’utilité des services de santé numérique.

Dans cette étude, nous avons aussi essayé de préciser leurs expériences comme l’utilisation des applications de santé, identifier les obstacles à l’adoption de la e-santé, leurs préoccupations, leurs réticences et surtout identifier les facteurs d’influence qui pourraient les encourager à utiliser davantage ces technologies.
Les principaux objectifs de l’enquête, qui a touché 1.023 praticiens, étaient de comprendre le niveau de connaissance des médecins sur les services de santé numérique, de mesurer leur niveau d’acceptation, de voir leur perception de l’efficacité et l’utilité des services de santé numérique (Ph. DR)

■ Les principaux résultats tirés de cette enquête

L’échantillon comprenait 1.023 praticiens qui ont répondu volontairement au questionnaire. Plus de la moitié (60%) avait plus de 20 ans d’expérience et 29% entre 10 et 20 ans, 76% d’entre eux exerce dans le secteur libéral.

  • Niveau de connaissance: 78% des médecins ont déclaré avoir une connaissance générale des technologies de santé numérique. Cette connaissance était jugée bonne dans 37%, moyenne dans 39% et médiocre dans 23% des cas. 39% des médecins du groupe n’avait jamais participé à une formation sur le numérique en général et les 61% restant avait assisté au maximum à une conférence traitant du sujet. Les appareils connectés le plus utilisés sont les smartphones (86%), en combinaison avec le computer dans 75% des cas et à la montre dans 13,8%.
  • Perception de l’efficacité de la e-santé: 89% des médecins considèrent que les technologies de santé numérique peuvent améliorer la qualité des soins et 72% pensent que ces technologies permettent une meilleure gestion des dossiers médicaux. Quant à l’intérêt de l’IA, la grande majorité est intéressée par son apport, pour mieux servir le patient (43%), pour suivre l’évolution médicale (34%) pour mieux utiliser l’apport du data (9%).
  • Sources d’information: le moyen d’informations était la télévision (31%), la radio (20%), les journaux et magazines (54%) et les réseaux sociaux pour moins de 2% des participants.

La législation régissant la télémédecine était connue de 76% des médecins. Le processus de transformation numérique est engagé dans 55% des structures, dont 59% sont au niveau du démarrage, 31% avancé et 9% achevé.

  • Facteurs d’influence: 95% des participants souhaitent avoir des formations dans le domaine pour avoir une bonne information sur la e-santé et/ou approfondir les connaissances acquises. 66% des médecins ont déclaré qu’une formation en santé numérique les encourageraient à utiliser davantage ces technologies, 45% estiment que l’intégration des technologies dans leur flux de travail serait un facteur motivant.
  • Préoccupations et résistances: 34% se méfient de la fiabilité des informations médicales en ligne. Près de 80% des médecins ont exprimé des inquiétudes quant à la sécurité des données des patients et de toutes les données de santé qu’ils génèrent. Les obstacles identifiés comme limitant l’implantation du numérique étaient techniques et financiers (52%) et humains (47%). Quant à l’avenir et surtout pour intégrer les projets dans le domaine de la santé dans notre pays 45% pensent pouvoir recourir à la e-santé alors que 51% pensent que c’est probable. ■ Pour réflexion

Les résultats suggèrent que la plupart des médecins ont une connaissance moyenne des technologies de santé numérique et très peu d’expérience avec des préoccupations quant à la sécurité des données et à la qualité des informations. Il est recommandé de mettre en place des programmes de formation pour les médecins, pour encourager l’acceptation de renforcer les mesures de sécurité des données et de promouvoir l’intégration des technologies numériques dans les pratiques cliniques.

Quelles recommandations à tirer?
Un des premiers principes éthiques est de garantir la confidentialité lors de l’élaboration et la gestion de dossier médical, le partage de documents, l’échange d’informations médicales, l’aide au diagnostic ou au suivi médical

Le numérique en santé se développe, mais qu’en est-il des pratiques, de l’usage, de la connaissance et de l’adhésion des usagers à ces dispositifs numériques? La technologie et le numérique se mettent de plus en plus au service de la santé, mais malgré ces avancées, les médecins entendent toujours garder le contrôle et ne pas céder totalement aux solutions technologiques. L’analyse de ces résultats pourra, peut-être, permettre de mieux accompagner les médecins sur ce volet.

Il est important de démontrer à toute la communauté comment les technologies numériques peuvent améliorer la pratique médicale, les soins aux patients et l’expérience professionnelle pour susciter l’intérêt des médecins pour le numérique. Il est aussi primordial de travailler sur le volet éthique de l’utilisation des services numériques et des solutions informatiques par les professionnels dans le parcours de santé. Un des premiers principes éthiques est de garantir la confidentialité lors de l’élaboration et la gestion de dossier médical, le partage de documents, l’échange d’informations médicales, l’aide au diagnostic ou au suivi médical. Quant au consentement il est nécessaire de le recueillir avant tout acte concernant les données de santé.

Le cadre règlementaire qui doit gérer la santé numérique devrait définir clairement les responsabilités et les obligations des différents acteurs, les mesures pour assurer la confidentialité des informations médicales et protéger la vie privée des patients. De même il y a nécessité de définir des règles pour le partage des données de prestation de soins entre les organismes publics et entre les parties prenantes nationales. Il est important d’associer les différents acteurs de la santé y compris les associations représentantes des patients, et l’implication progressive des autres intervenants pharmaciens, laboratoires…

Mettre en place des programmes de formation et de sensibilisation des professionnels de santé aux problématiques de la protection des données, des référentiels, de la structuration des documents (compte rendu de biologie médicale, de radiologie…) et des données à partager.

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