
Malgré le malheureux coup du sort du tremblement de terre d’Al Haouz en septembre, le Maroc a tenu son pari d’accueillir en octobre dernier les Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. En octobre dernier, qui plus est à Marrakech, principale ville parmi les agglomérations les plus touchées par le séisme. En cette semaine de novembre (les 8, 9 et 10), la ville rouge reçoit l’Africa Investment Forum, la première plateforme multipartite et d’investissement du continent africain. Emmené par un attelage d’institutions financières avec à sa tête, entre autres, la Banque africaine de développement, la Banque européenne de développement, la Banque islamique de développement, l’Afreximbank, il a déjà mobilisé la bagatelle de 142 milliards de dollars d’intérêts en investissement depuis sa fondation en 2018.
En continuant à tracer sa route comme pays hôte de manifestations de ce niveau, et en attendant la Coupe du monde de 2030, le royaume chérifien poursuit son chemin à la fois de résistance et de résilience économique. Mais où en est-il aujourd’hui ? Au lendemain du discours prononcé par le roi Mohammed VI à l’occasion du 48e anniversaire de la Marche verte de retour du Sahara occidental dans l’entité marocaine, discours qu’on pourrait qualifier de « discours de l’Atlantique sud et du Sahel » par son ambition géopolitique et géo-économique, il est tentant de voir comment le royaume chérifien s’y prend pour faire face aux défis qui se présentent à lui dans le contexte géopolitique actuel, hyperéclaté et marqué par une concurrence économique internationale exacerbée. Directeur général de l’Agence de développement des investissements et des exportations (AMDIE), Ali Seddiki a répondu aux questions du Point Afrique.
Le Point Afrique : Alors que le Covid, la guerre en Ukraine et le tremblement de terre sont passés par là, où en est le Maroc quant aux investissements, autant ceux reçus que ceux réalisés à l’extérieur, notamment en Afrique subsaharienne ?
Ali Seddiki : La gestion de la crise Covid et des opérations de sauvetage à la suite du tremblement de terre du 8 septembre dernier ont souligné la résilience dont fait preuve le Maroc, et sa capacité à s’organiser face aux chocs qu’il subit. Les donneurs d’ordres internationaux y ont vu le gage d’un pays dont la gouvernance et la sophistication des opérations conduites rassurent.
Le Maroc offre de la certitude aux investisseurs dans un contexte marqué par l’incertitude. La guerre en Ukraine, la hausse de l’inflation et les tensions géostratégiques entre les grandes économies du Monde nourrissent cette incertitude. La stabilité du Maroc, et la confiance qu’il suscite, sont des actifs particulièrement appréciés des investisseurs dans ce contexte.
Le Maroc a été classé 3e parmi les 50 économies les plus attractives pour les investisseurs étrangers par FDI (Financial Times) en 2023. Le dernier rapport Africa Attractiveness publié par Ernst & Young l’a par ailleurs placé dans le trio de tête du continent avec près de 54 investissements d’une valeur de 2,4 milliards de dollars.
Les chiffres 2022 des Investissements directs étrangers (IDE) affichent quant à eux une hausse de 37 % par rapport à 2019, année pré-Covid, avec près d’un milliard de dollars dans le secteur manufacturier, soit une hausse de 50 %. Ces indicateurs confirment l’intérêt des investisseurs pour la destination Maroc malgré un environnement international marqué par l’instabilité.
Nous observons une tendance similaire au niveau de l’investissement marocain à l’étranger et particulièrement à destination de l’Afrique subsaharienne. Les investissements directs marocains à l’étranger ont atteint 610 millions de dollars en 2022, en hausse de 8 % par rapport à 2021, et le Royaume est le 2e pays africain émetteur d’investissements en Afrique selon le dernier classement.
Où en est le Maroc dans les chaînes de valeur africaines et mondiales ?
Les exportations marocaines dépassent les 42 milliards de dollars en 2022, soit près de 2,5 fois le montant de nos exportations en 2012. Cette forte croissance illustre l’amélioration de notre position dans les chaînes de valeur internationales.
Sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en un peu plus de 20 ans, le Maroc s’est doté d’une infrastructure de classe mondiale et d’écosystèmes industriels de pointe. Le port de Tanger Med, premier port de Méditerranée et d’Afrique, connecte les exportateurs industriels du Maroc avec 78 pays et 186 ports. Il a permis au Royaume de devenir le premier producteur automobile et aéronautique de son continent. Le contenu local des véhicules « made in Morocco » dépasse 65 % et les exportations du secteur automobile ont été multipliées par 4 depuis 2012 en passant le seuil des 10 milliards de dollars en 2022.

En moins de 25 ans, le Maroc est devenu le premier producteur automobile et aéronautique du continent africain. © Fadel Senna© Fournis par Le Point
En moins de 25 ans, le Maroc est devenu le premier producteur automobile et aéronautique du continent africain.
La position du secteur aéronautique marocain se consolide également avec une progression nette sur la chaîne de valeur et l’installation de métiers complexes comme l’usinage de pièces de moteurs aéronautiques ou l’installation de la première ligne d’assemblage d’un aéronef complet (le PC12 de l’avionneur suisse Pilatus par exemple). Le Royaume accélère ainsi sa stratégie d’intégration des chaînes de valeur internationales complexes.
La stratégie de développement sud-sud impulsée par notre souverain a également permis d’augmenter les échanges avec nos partenaires africains. Si les échanges avec l’Afrique ont été multipliés par 6 en 20 ans, le potentiel d’intégration accrue des chaînes de valeur en Afrique demeure important, particulièrement avec l’entrée en vigueur de la ZLECAF. La position de hub et les opportunités industrielles offertes par le Maroc sont des opportunités pour le codéveloppement de filières. Nous pensons à titre d’exemple au secteur textile où le Maroc reste en tête des exportations vers l’Europe ou encore à celui de la mobilité électrique où la valorisation locale des ressources permettrait un taux d’intégration africain élevé.
Industrialisation, décarbonation, hydrogène, maîtrise de l’eau, énergies renouvelables apparaissent comme des chantiers déterminants pour l’avenir. Quelle trajectoire pour le Maroc dans la dynamique d’une gouvernance vertueuse ?
Pour le Maroc, le cap est donné. Des objectifs concrets à l’horizon de 2030 ont été définis dans le nouveau modèle de développement du Royaume. L’édification du Maroc en plateforme de production aux meilleurs standards mondiaux, générant des investissements et un commerce durables, doit permettre l’atteinte des objectifs de ce modèle de développement voulu équitable, respectueux de l’environnement, créateur d’emplois pérennes et de valeur ajoutée.
Pour s’assurer d’encourager les projets qui contribuent à nos objectifs de développement, un ministère délégué auprès du chef du gouvernement a été dédié à l’investissement, à l’évaluation, et à la convergence des politiques publiques. Le département a élaboré une nouvelle charte de l’investissement promulguée en décembre 2022, qui crée un nouveau cadre d’incitation compétitif des investissements, et permet d’opérer des améliorations substantielles de l’environnement des affaires, notamment la simplification du parcours et des procédures en lien avec les projets

Sur le terrain de l’automobile électrique, le Maroc est partenaire du chinois BYD et Al Mada vient de s’allier à un autre groupe chinois, CNGR, pour la production au Maroc de composants de batteries électriques. © DR© Fournis par Le Point
Sur le terrain de l’automobile électrique, le Maroc est partenaire du chinois BYD et Al Mada vient de s’allier à un autre groupe chinois, CNGR, pour la production au Maroc de composants de batteries électriques.
L’Agence marocaine du développement des investissements et des exportations (AMDIE) a la responsabilité de déployer la charte et ses dispositifs auprès des investisseurs nationaux et internationaux. Elle bénéficie pour cela de l’appui du réseau des centres régionaux d’investissement, pilotés par le ministère et actifs au niveau des territoires. Il s’agit d’une gouvernance unifiée, dédiée et engagée au service des porteurs de projets.
Le contexte mondial actuel appelle par ailleurs au développement d’une offre industrielle alternative et sûre. Les donneurs d’ordres internationaux sont à la recherche de nouvelles localisations pour mieux gérer leurs risques industriels et leur dépendance, tout en satisfaisant leur besoin en énergie compétitive et décarbonée.
Le Maroc se présente comme l’une des rares destinations qui répondent à l’ensemble de ces critères. Il jouit d’une stabilité politique et macroéconomique remarquable et reconnue. Il est pleinement impliqué dans des chaînes de production mondiales exigeantes et dispose des ressources solaires et éoliennes parmi les plus compétitives au monde, sans compter un savoir-faire éprouvé dans leur exploitation.
Le Royaume travaille à anticiper son besoin en eau avec le déploiement d’un vaste programme de dessalement à travers le pays. Il dispose d’un capital humain jeune, enthousiaste et compétent dans une période où de nombreuses pénuries s’observent dans les économies développées.
Le Maroc est donc bien positionné pour bénéficier des opportunités générées par ce contexte global. D’importants projets d’investissements sont à l’étude dans l’industrie de la mobilité électrique et de la production de molécules vertes précisément parce que l’opportunité Maroc fonctionne.

Derrière la marque de promotion économique « Morocco Now » se tisse la stratégie de mise en avant des atouts du royaume pour attirer les investissements et les touristes, pour mettre en valeur les savoir-faire marocains à travers des produits et des services comme dans le secteur financier. © DR© Fournis par Le Point
Derrière la marque de promotion économique « Morocco Now » se tisse la stratégie de mise en avant des atouts du royaume pour attirer les investissements et les touristes, pour mettre en valeur les savoir-faire marocains à travers des produits et des services comme dans le secteur financier. © DR
Ce momentum que nous constatons est aujourd’hui également conforté par des perspectives positives, comme le chantier royal de la généralisation de la protection sociale ou l’organisation de la Coupe du monde de football 2030 avec nos voisins espagnols et portugais. Un important effet d’entraînement est attendu sur l’économie avec le déploiement de nouvelles infrastructures et la conclusion de nombreux projets sous la forme de Partenariat Public-Privé (PPP).
Fort de ces perspectives, le temps de l’investissement privé au Maroc se conjugue au présent, comme le souligne d’ailleurs notre marque de promotion économique « Morocco Now. » Les opérateurs sont invités à pleinement profiter de cette dynamique et à co-construire des projets au Maroc, en Afrique, pour un monde aujourd’hui en recherche de relais de croissance et de nouveaux partenaires économiques.
Source : Agence marocaine du développement des investissements et des exportations