Ma langue n’est ni vanité, ni chose banale! Je l’ai tétée au sein de nombre de montagnes, chaînes du Rif, de l’Altas et j’en passe, Je l’ai tétée à de nombreux océans : la Méditerranée, l’Atlantique, et d’autres mers et espaces, Je l’ai tétée à des déserts immenses, lointains et proches, Je l’ai tétée à une mère qui brodait des motifs, en fil d’or, cousus sur de la soie, du velours et d’autres tissus chatoyants et nobles.
Ma langue n’est pas une arme de guerre, elle est une brise qui rafraîchit, un soleil qui réchauffe, elle est une lune qui illumine, des étoiles qui brillent, orientent et éclairent. Je la chanterai, ma langue avec une flûte, avec un luth, avec un rebec.
Je la danserai avec les poètes les plus avertis, avec les troubadours, avec les griots. Je la fredonnerai sous les arbres, au bord des fleuves, entre les vagues et sur les crêtes. Elle bercera les oiseaux, les fleurs et les abeilles.
Ma langue est une chant qui enchante, elle est un rythme qui enjôle et apaise, un papillon qui danse, un parfum qui énivre. Elle m’a appris à dire non à ceux qui trichent, qui écrivent et faussent contes et légendes de toute une race. Elle m’a appris à tenir tête à tous ceux qui ne lui sont pas fidèles et ne préservent ni sa valeur ni sa grâce ! Elle m’a appris à crier fort la vérité, l’équité et la justice, dans la flûte de David, sans regret et sans crainte!
Partout où je vais, sous la pluie, sous le soleil, qu’il tonne, qu’il vente ou qu’il pleuve! sous l’olivier, sous le noyer ou sous le figuier, Partout où que je sois, même entre l’enclume et le marteau et tout le temps, jusqu’au souffle dernier! Peu importe.
Elle m’a appris à dire non aux traîtres aux renégats et à tous ceux qui l’ont reniée !
Elle m’a appris à dire non à l’altérité, aux discordances et aux disharmonies, elle m’a appris à dire non aux ordres, aux violences et aux injustices. Ma langue me possède et elle est, elle même possédée, elle tombe telle une rosée sur courtisanes et princesses.
Approche, tiens, apprivoise-la, ma langue, je t’y invite.
Offre lui, à ton tour, ton attention, ton amour et ton affection,
Habille-la de soie, couvre-la de mousseline et dépose-la sur du taffetas,
Coiffe-la de bijoux fins, précieux et délicats, arrose-la de senteurs pures et douces et de fragrances pétillantes et fraîches.
Je te la présente, ma langue, fais-lui de ton cœur une demeure et cherche ses échos dans tes oreilles.
Elle est à toi et à tous les autres,
Elle est aux fleurs, aux arbres, aux oiseaux et aux poissons, elle appartient à l’ensemble de l’univers.
Oui, elle, car elle contient et exprime le plus beau mot et sentiment : l’AMOUR, qui ouvre toutes les portes des trésors les plus précieux du monde.
Assia Bouayad.