Par : Abdelwahab Benzakour
Mis à jour le 13-11-2023
C’est pourquoi la responsabilité des journalistes est plus grande que jamais, leur recherche d’une neutralité préservant toutes les catégories de leurs audiences, est devenue vitale pour la démocratie.
les médias sont plus rentables lorsqu’ils s’adressent aux émotions des citoyens, ils ne sont plus profitables lorsqu’ils font appel à leur raison. Pour paraphraser (Laurent Fabius : entre la rentabilité et la profitabilité, il y a le journalisme). C’est à son honneur, de trouver une voie, de plus en plus étroite, entre la cupidité, indispensable à sa survie, et la responsabilité d’informer en toute neutralité pilier indispensable à la pratique de notre métier.
De tout temps, le journalisme utile a été financé par le journalisme futile, les rubriques économiques, politiques et internationales subventionnées par l’attrait publicitaire des sections dédiées au sport, au divertissement, à la mode. Cette pratique n’est pas née avec (BuzzFeed ).
La vraie révolution ne réside pas non plus dans le journalisme citoyen un auxiliaire du journalisme classique qui n’en modifie pas fondamentalement le paradigme, mais dans ce que l’on appelle l’éditorialisation citoyenne.
Quand chacun peut énoncer sur le web social et par ricochet dans les médias traditionnels une vérité sans le moindre rapport avec les faits, la réalité devient une notion secondaire, quasi imaginaire au sens où elle relève davantage des fantasmes des citoyens que de la certitude des faits.
Le grand sociologue et sénateur américain Daniel Patrick Moynihan a écrit que
“Tout le monde a le droit à ses propres opinions mais pas à ses propres faits”.
Avec le web social, tout le monde a le droit à ses propres opinions et celles-ci ont valeur de fait. Tout le monde a donc le droit à ses propres faits.
Donald Trump à propos de son affirmation extravagante, que des milliers de musulmans, auraient fêté dans le New Jersey (État voisin de la ville de New York) l’effondrement des tours du World Trade Center le 11 septembre 2001.
Il n’existe aucune image ni aucun témoignage sérieux attestant de cette affirmation, ce qui n’empêche pas le milliardaire de la répéter à l’envie. Il utilise un argument massue pour contrer les journalistes qui tentent de lui faire entendre raison : “j’ai reçu des centaines de messages sur Twitter me disant que j’ai raison.
Ainsi la mécanique qui se développe sur le web social, fit-elle du peuple le complaisant instrument de sa propre tromperie. Paradoxalement, le suffrage universel se meurt peut-être d’un excès de démocratie médiatique.
Les dirigeants politiques peuvent donc mentir ouvertement, en s’appuyant sur le soutien indéfectible de leurs partisans (dans le double sens du terme) numériques.
Dans ce nouveau contexte, les journalistes semblent pris, plus ou moins consciemment, au piège : leur rôle comme arbitres des élégances intellectuelles est nié par un web social excessivement polarisé et leur crainte d’une perte d’audience les conduit à renoncer à toute influence réelle.
Cette évolution exacerbe la spécificité consubstantielle au journalisme. Son rôle décisif dans toute démocratie l’apparente à une mission de service public, mais il ne peut pas être assumé par des acteurs publics, car il court alors le risque d’être instrumentalisé à des fins tactiques par le pouvoir en place.
C’est pourquoi la responsabilité des journalistes est plus grande que jamais.