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Nomination d’Amira Elghawaby : embarras chez les libéraux, Legault fustige Trudeau

Les élus québécois ont adopté à l’unanimité, en fin de journée mardi, une motion exigeant que l’Assemblée nationale demande à Ottawa de mettre fin au mandat d’Amira Elghawaby.

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Justin Trudeau prononce un discours.

Le premier ministre assure qu’Amira Elghawaby a les compétences nécessaires pour assumer ses nouvelles fonctions.

PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / ADRIAN WYLD

Le premier ministre Justin Trudeau a défendu son choix, mardi matin, après plusieurs jours de controverse entourant la nomination d’Amira Elghawaby comme représentante spéciale d’Ottawa pour lutter contre l’islamophobie. Dans les rangs des ministres libéraux, toutefois, le malaise restait palpable.

Comme Québécois, j’ai été profondément blessé par ses propos, je le suis encore d’ailleurs, a réagi mardi Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien, au sujet de déclarations passées de Mme Elghawaby voulant qu’une majorité de Québécois ait été guidée par un sentiment antimusulman. Après lui avoir demandé de retirer ses propos, le ministre Rodriguez a indiqué vouloir la rencontrer dans les prochains jours.

Les clarifications expresses d’Amira Elghawaby n’ont pas convaincu non plus le ministre de la Justice, David Lametti, qui a été interpellé sur le sujet, mardi, à son arrivée à la colline du Parlement. Je ne suis pas à l’aise avec les commentaires originaux, je ne partage pas cette opinion, mais, comme je l’ai dit, c’est à elle de clarifier, a rétorqué M. Lametti, laissant entendre que les explications apportées n’ont pas été suffisantes.

Le ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion, Ahmed Hussen, a été interrogé sur d’autres propos récemment exhumés que Mme Elghawaby a publiés en 2013 dans le Toronto Star dans un texte d’opinion intitulé The « other » has no place in Quebec’s charter of values (« L’autre » n’a pas sa place dans la charte des valeurs du Québec).

Elle reprenait alors une citation de l’essayiste canadien John Ralston Saul, selon laquelle les peurs paranoïaques du XXe siècle sont celles de la perte de la pureté – du sang pur, de la race pure, des traits, des valeurs et des liens nationaux pursIl pourrait tout aussi bien écrire sur le Québec d’aujourd’hui, analysait alors Mme Elghawaby.

Amira Elghawaby, coiffée d'un hijab, est photographiée à l'extérieur.

Amira Elghawaby est la représentante spéciale de la lutte contre l’islamophobie au gouvernement fédéral. (Photo d’archives)

PHOTO : CBC

Au sujet de ces propos, le ministre Hussen a d’abord évité de se prononcer en arguant être toujours en train d’examiner ces commentaires, avant d’appuyer Amira Elghawaby dans sa ligne de défense. Elle a clarifié ses commentaires concernant l’islamophobie et la lutte contre l’islamophobie, a résumé le ministre, visiblement agacé.

Vendredi dernier, au lendemain de sa nomination comme représentante spéciale d’Ottawa pour lutter contre l’islamophobie, Amira Elghawaby avait en effet précisé sa pensée quant à ses déclarations passées en disant qu’elle ne croit pas que les Québécois soient islamophobes.

La controverse faisait suite à la parution d’un texte dans La Presse rappelant le contenu d’une lettre qu’avait publiée Mme Elghawaby dans l’Ottawa Citizen, en 2019, dans la foulée de l’adoption par Québec de la Loi sur la laïcité de l’État (aussi connue sous le nom de loi 21).

C’est la bonne personne, dit Trudeau

Le premier ministre canadien n’a pas semblé ébranlé par la controverse qui entoure cette nomination. J’appuie à 100 % Mme Elghawaby, a déclaré Justin Trudeau aux journalistes, mardi, à son arrivée au conseil des ministres.

Elle a démontré tout au long de ses années de travail une sensibilité, une ouverture et une rigueur dont on a besoin maintenant, a-t-il soutenu.

Je comprends que faire face à l’islamophobie, ça va exiger des conversations importantes et parfois difficiles, mais on a besoin de quelqu’un qui s’y connaît, qui est ancré à fond, et je sais que c’est la bonne personne, a ajouté le premier ministre.

Quant au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, il aura l’occasion de discuter personnellement avec Amira Elghawaby, puisqu’elle a accepté de le rencontrer mercredi, comme il l’avait demandé lors de la période des questions de lundi à la Chambre des communes.

M. Blanchet avait alors affirmé qu’une rencontre serait utile pour tenter de comprendre.

Vingt-quatre heures plus tard, son ton a toutefois changé. Plus incisif, il a affirmé mardi que la nomination de Mme Elghawaby est très peu flatteuse pour le Québec. Un échange sur l’histoire du Québec et la laïcité sera salutaire pour [elle], a-t-il renchéri.

Une motion unanime à l’Assemblée nationale

En fin d’après-midi mardi, les députés québécois ont adopté à l’unanimité une motion exigeant notamment que l’Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral de mettre fin au mandat d’Amira Elghawaby à titre de représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie.

Seuls les 11 députés de Québec solidaire se sont abstenus de se prononcer sur la motion caquiste, présentée par le ministre québécois responsable de la Laïcité et des Relations canadiennes, Jean-François Roberge.

Je pense que l’Assemblée nationale a envoyé un message très fort au gouvernement canadien, a-t-il déclaré, à sa sortie du Salon bleu, lui qui avait déjà réclamé la démission de Mme Elghawaby, la veille.

« Mme Elghawaby, malheureusement, n’a pas la légitimité, n’a pas l’appui de l’Assemblée nationale pour faire ce travail. Je répète la position du gouvernement et des Québécois : Justin Trudeau doit la démettre de ses fonctions. »— Une citation de  Jean-François Roberge, ministre québécois responsable de la Laïcité et des Relations canadiennes

Plus tôt mardi, le premier ministre du Québec, François Legault, qui a été vivement critiqué par Amira Elghawaby pour son refus de reconnaître le racisme systémique au Québec, a attaqué encore une fois la nomination de la nouvelle conseillère.

M. Trudeau, en la gardant en poste, vient cautionner le mépris envers les Québécois, a insisté M. Legault.

Elle ne s’est pas excusée, a-t-il ajouté. Je n’en reviens pas que M. Trudeau l’appuie à 100 % après tout ce qu’elle a dit, après tout le mépris qu’elle a montré envers les Québécois.

François Legault parle en conférence de presse.

Le premier ministre du Québec, François Legault

PHOTO : RADIO-CANADA / SYLVAIN ROY ROUSSEL

Du côté du Parti libéral du Québec (PLQ), le chef par intérim, Marc Tanguay, a affirmé de nouveau mardi que Mme Elghawaby devait présenter des excuses rapidement, parce que le temps commence à manquer.

Il avait formulé cette même demande la veille, dans une publication Twitter, entre autres.

Or, le PLQ semble avoir cafouillé sur ses positions : la députée Jennifer Maccarone a appuyé la nomination de Mme Elghawaby sur Twitter lundi, allant à l’encontre des déclarations de M. Tanguay. Cette publication lui a valu d’être rabrouée par son chef.

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1952293/amira-elghawaby-scandale-controverse-quebec-trudeau

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