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Comprendre le mariage des enfants au Maroc

Un agenda vers son élimination

UNICEF Maroc

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Photo jeune fille

UNICEF Maroc

03 mars 2022

Un moment important de plaidoyer stratégique. Les conclusions de la nouvelle étude élaborée par la Présidence du Ministère Public et soutenue par l’UNICEF Maroc https://mujeres.andaluciasolidaria.org/wp-content/uploads/Letude-nationale-sur-le-mariage-des-mineures-au-Maroc.pdf ont été présentées en novembre 2021 à Marrakech, en présence de trois ministres, en plus du Président du Ministère Public : Ministre de l’Education nationale, du Préscolaire et des Sports, Ministre de la Santé et Protection Sociale, Ministre de la Solidarité, de l’Insertion Sociale et de la Famille.

Etude mariage des enfants à Marrakech
PMP 2021

Alors que l’UNICEF célébrait son 75e anniversaire, « Réinventer l’avenir pour chaque enfant » est plus qu’un slogan. L’anniversaire a constitué une occasion, pour l’UNICEF au Maroc ainsi que ses partenaires, de réfléchir aux lacunes de l’agenda des droits des enfants et aux moyens d’accélérer l’atteinte des changements concrets et impactant en leur faveur.

Les statistiques du Ministère de la Justice montrent que 12 600 filles ont été mariées en 2020  avant leur 18ème anniversaire, en dépit de l’impact de la crise du Covid en termes de limitations d’accès aux services des tribunaux et les restrictions de mouvement. Alors que l’âge légal du mariage au Maroc est de 18 ans, le Code de la Famille permet encore des mariages impliquant des enfants “exceptionnellement” lorsqu’ils ces unions sont autorisées par un juge. Cette pratique néfaste est largement acceptée par les normes culturelles, sociales et de genre dans certaines régions du pays. Cependant, un élan grandissant, à différents niveaux d’influence au Maroc, prend place actuellement en faveur de l’élimination de cette pratique et l’accélération des efforts pour atteindre les Objectifs du Développement Durable.

Depuis plusieurs années, la société civile a ouvert la voie en matière de plaidoyer public et de sensibilisation pour la prévention contre le mariage des enfants. Dans ce même sens, en 2019, le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), a lancé une campagne nationale pour l’élimination du mariage des enfants, « Mariage des enfants : abolir l’exception, rétablir la norme » qui avait réuni les acteurs nationaux et territoriaux pour débattre de la révision du Code de la Famille dans le sens d’une abrogation des articles qui autorisent le mariage des moins de 18 ans. De même, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a publié un rapport sur la situation du mariage des enfants, lequel rapport a appelé également à la révision du Code de la Famille pour interdire explicitement le mariage des enfants. Dans cette même lancée, en mars 2020, un événement marquant, présidé par la Princesse Lalla Meryem, Présidente de L’Union Nationale des Femmes du Maroc, a connu la participation des hautes autorités du gouvernement et des représentant.e.s de la société civile pour s’engager en faveur de la “Déclaration de Marrakech” visant  à mettre fin à la violence basée sur le genre et à prévenir le mariage des enfants.

Depuis mars 2020, nombreux organismes ont œuvré à la collecte des données et connaissances nécessaires pour faire avancer, à la fois le plaidoyer, ainsi que les interventions de réponse programmatique concrète. Récemment, la Présidence du Ministère Public, avec le soutien de l’UNICEF, a conclu une étude qui offre des données de grande importance sur les déterminants judiciaires et extrajudiciaires des cas de mariage d’enfants et un résumé des facteurs socio-économiques pertinents pour formuler des actions ciblées. Les conclusions de cette étude ont été partagées lors d’un événement de haut niveau en novembre 2021, à Marrakech, en présence du Ministre de l’Education nationale, du Préscolaire et des Sports ; Ministère de la Santé et Protection Sociale ; la Ministre de Solidarité, Insertion Sociale et de la Famille, et le Président du Ministère Public). L’engagement de premier plan des décideurs nationaux démontre la volonté politique et l’engagement du gouvernement, récemment nommé, à s’attaquer au mariage des enfants selon une optique multisectorielle et avec une feuille de route intégrée pour atteindre les cibles des ODD.

M. Khalid Ait Taleb, Ministre de la Santé et de la Protection sociale, a souligné durant cette rencontre que “la réalisation de la cible 5.3 des ODD visant à mettre fin au mariage des enfants est nécessaire à la réalisation des autres objectifs de l’agenda 2030. Le Ministère est pleinement engagé à mettre fin à cette pratique. » Soulignant la nécessité d’une action convergente, la Ministre de la Solidarité, de l’Insertion Sociale et de la Famille, Mme Awatif Hayar, a mentionné que « mettre fin à ce phénomène nécessite une approche intégrée qui aborde, en plus du système juridique et législatif, les défis culturels, économiques et sociaux… ». Par ailleurs, M. Chakib Benmoussa, Ministre du Préscolaire, de l’Education Nationale et du Sport a fait référence à la nécessité de politiques et de programmes ciblés : « La scolarisation des filles dans les zones rurales est d’une importance cruciale dans notre lutte contre le mariage des enfants ». Enfin, le Président du Ministère Public, M. Moulay El Hassan Daki, a souligné le rôle crucial de l’action conjointe entre les ministères pour remédier aux vulnérabilités liées au mariage des enfants : « Cette année, grâce au partenariat entre le Ministère public et le Ministère de l’Education, près de 2 000 enfants ont été réinsérés à l’école dans la région de Marrakech. »

Enfants en classe
UNICEF Maroc

L’UNICEF Maroc poursuit l’approfondissement de la connaissance atour de ce phénomène et la génération de données fiables, avec une recherche en cours avec l’Observatoire National du Développement Humain (ONDH) et d’autres Agences sœurs des Nations Unies, pour détailler les déterminants, l’impact et les coûts du mariage des enfants. L’UNICEF soutient également une forte mobilisation communautaire pilote en partenariat avec l’ONG African Organization for Common Ground, qui se concentre davantage sur les causes profondes du phénomène, à savoir les normes négatives, sociales et de genre. Ainsi, 19 sessions de dialogues communautaires ont été organisées au niveau des différentes zones ciblées, réunissant plus de 300 hommes, femmes, jeunes filles et garçons, élu.e.s, avocat.e.s, juges, chefs religieux, etc. Parallèlement, 550 filles et garçons ont bénéficié de programmes d’autonomisation et de développement des compétences de vie.

Les résultats positifs de cette expérience démontrent l’intérêt des communautés à défendre les droits des filles et leur réceptivité à un changement construit collectivement.Saadia Sifi, Chargée de la Protection de l’Enfance à UNICEF Maroc.

Les interventions de l’UNICEF Maroc visant à soutenir les partenaires pour générer des données, s’engager dans le plaidoyer pour une feuille de route nationale pour l’élimination du mariage des enfants s’inscrivent dans les priorités de son programme pays qui vise à accroître les capacités aux niveaux national et local pour identifier, répondre et suivre de manière prévisible les enfants à risque de violence. Naseem Awl, Représentante Adjointe souligne que:

“il n’y a pas de parent qui ne souhaite pas voir ses enfants profiter de leur enfance, aller à l’école et s’épanouir. Tout ce dont ils ont besoin, ce sont des alternatives et des solutions adaptées à leurs besoins. En tant qu’UNICEF, nous avons un mandat fort et cohérent en matière des droits des enfants qui nous permet de nous attaquer, avec nos partenaires, aux causes profondes pour fournir une éducation de qualité, des services de santé, des solutions d’inclusion sociale, des mécanismes de protection de l’enfance et un changement social et comportemental concerté. Et c’est pourquoi nous réaffirmons l’engagement de l’UNICEF à soutenir l’élaboration d’une feuille de route nationale pour lutter contre et prévenir le mariage des enfants.”

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