Une manifestation était organisée ce mercredi soir sur le parvis de l’Hôtel de ville de Schaerbeek pendant le conseil communal en soutien à l’échevine Ecolo Sihame Haddioui. Pour rappel, cette dernière a porté plainte contre son collègue DéFI Michel De Herde pour attentat à la pudeur et acte de sexisme le 16 mai dernier. Mercredi, Mme Haddioui, portant son écharpe d’échevine, a témoigné devant 500 manifestants des faits dont elle accuse le mandataire amarante, rapporte Bruzz. En voici, ci-dessous, la retranscription.
“J’ai écrit un texte qui explique pourquoi j’ai porté plainte”, a-t-elle commencé devant les manifestants, en majorité des femmes. “Il peut contenir des éléments qui pourraient vous heurter. Je ne serai pas vexée si vous mettez vos doigts dans vos oreilles”, a-t-elle prévenu avant de lire son texte, dans lequel elle raconte, minute par minute, les faits présumés.
“Ce texte, je l’ai appelé ‘18h45’. Le 22 octobre 2021, il doit être 18h45. Soirée de conseil communal, le premier de retour en présentiel. La salle est remplie d’une soixantaine de personnes. Il est 18h45 quand tout le monde est déjà installé, je me dirige vers ma place. Je me dis: ‘comment je vais faire pour me faufiler dans ce tout petit espace?’. Il doit être 18h46 quand je croise son regard. Toutes les personnes sexisées connaissent ce regard un peu lubrique où on se dit ‘oh, la soirée va être longue(…)’”, a-t-elle partagé, avant de poursuivre: “Je fais tomber un objet au sol et une contorsion plus tard, je me redresse tant bien que mal, parce qu’on a plus 20 ans. Il doit être 18h48 quand il m’agrippe l’épaule et me dit ‘ah, tu sais je t’aime bien en fait’ et qu’il se rapproche un peu plus de mon oreille et qu’il me dit ‘j’aime bien tes petits seins. Je les ai vus quand tu t’es penchée. Je ne dois pas à être le seul à te le dire’”, raconte-t-elle ensuite, émue.
“J’ai senti sa main se poser dans la région de mon entre-cuisse”
“Il doit toujours être 18h48 quand il continue à me chuchoter ses descriptions, 18h49 quand je reboutonne ma chemise jusqu’au bout. 18h49 toujours quand il décrit avec ses mots sales ce qu’il aimait dans mes petits seins, leur forme, leur fermeté. Il devait être 18h50 quand il a fini sa dichotomie anatomique et que je me suis délogée de son épaule. Mais malheureusement 18h51 arrive, quand j’ai senti sa main se poser dans la région de mon entre-cuisse. 18h52 n’a pas le temps d’arriver que je le stoppe net. Je refuse d’y croire. Je fixe un point et tout devient flou (…) à 18h53 (…) La honte me frappe à 18h54. Mes oreilles chauffent et je retiens mes larmes à 18h55. Moi la battante, 18h56, battue sur mon propre terrain, 18h57, celui de mon corps!”, enchaîne l’échevine, toujours émue.
“Il est 18h58, ce corps que je n’ose toujours pas exposer à la plage facilement, celui à qui je ne dis pas assez que je l’aime quand il me transporte d’un point A à un point B, il est 19h00, celui que je rabaisse quand on me dit ‘mais t’es belle en fait Sihame’, 19h01, celui que j’ai échoué à défendre. Il est 19h03 quand je suis scandalisé par la violence et par la banalité de celle-ci. 19h04, par la confiance que mon agresseur que rien ne lui arrivera. 19h05, quand une pensée qui me glace le sang me traverse l’esprit: ‘de quoi sont capables ceux qui n’ont peur de rien?’ Il est 19h06 et je suis au conseil communal de Schaerbeek”, a-t-elle conclu, applaudie par les manifestants.
Pour rappel, Sihame Haddioui (Ecolo) avait déposé au mois de février un premier signalement interne auprès de la bourgmestre f.f. Cécile Jodogne. La maïeure a ensuite rencontré la plaignante ainsi que l’échevin DéFI. Elle a ensuite pris la décision, en guise de “mesure conservatoire”, et à la demande de Sihame Haddioui, de déplacer les sièges des deux élus locaux afin que ceux-ci ne soient plus assis côte à côte durant les conseils communaux et les réunions du Collège. Michele De Herde nie lui catégoriquement les faits. Mis au courant du dépôt d’une plainte au pénal, il affirme que “cette affaire n’en restera pas là”, et a assuré avoir pris soin de consulter une avocate.
“Mon absence sera politique”
L’épisode a sensiblement affecté le travail politique de l’élue Ecolo, qui n’a plus participé aux réunions du Collège depuis le 7 mars dernier. Actuellement, Sihame Haddioui, en charge de la Culture, de l’Égalité des genres et des chances, travaille depuis son bureau et vient également au Conseil, mais refuse de se présenter au Collège tant que Michel De Herde y siège. C’est le premier échevin Vincent Vanhalewyn (Ecolo) qui la remplace. “Rien ne se passe. La vie reprend son cours habituel. Point suivant. Affaire classée? (…) Mon absence au Collège n’a pas d’impact sur la vie politique? Demain, j’ai pris la décision de ne pas assister au Conseil Communal. Et mon absence sera politique”, a annoncé l’ancienne comédienne sur Instagram avant la manifestation. Sihame Haddioui a même émis des doutes quant à sa volonté de poursuivre son engagement politique au sein de la commune, une fois terminée la législature.
L’écologiste demande que Michel De Herde fasse un pas de côté, le temps de l’enquête. “Il est hors de question que je m’écarte, car je suis innocent. Je n’ai rien fait. Le dossier est entre les mains de la justice et je sais que je peux lui faire confiance”, s’est défendu l’échevin en charge de l’Enseignement, des Crèches, du Parascolaire et du Budget. Haddioui réclame également que l’on distingue plainte et signalement, que les témoignages de victimes présumées – même informels et anonymes – soient pris au sérieux.
De son côté, Cécile Jodogne a assuré prendre le témoignage de l’échevine Ecolo très au sérieux, mais rappelle la présomption d’innocence. La commune de Schaerbeek attend que l’enquête fasse toute la lumière sur les accusations portées contre Michel De Herde.
D’autres plaintes en vue?
Selon la bourgmestre, d’autres plaintes contre son collègue de parti pourraient voir le jour. “Des informations et des rumeurs circulent sur des témoins indirects qui confirmeraient le comportement inapproprié de l’échevin”, a-t-elle indiqué, regrettant les commentaires haineux autour de l’affaire sur les réseaux sociaux.
La manifestation de mercredi soir était organisée par les militantes féministes du collectif “Les Sous-Entendu.e.s”, en collaboration avec Anna Toumazoff de l’Union féministe inclusive autogérée (Ufia), déjà active dans le mouvement “BalanceTonBar”, qui a permis de mettre à jour le phénomène des agressions sexuelles dans les bars de la capitale.
Source : 7 sur 7